Notes de lecture
Vive les enfants de Cayenne !
Parmi la production pléthorique de bandes dessinées (plus de 5 000 nouveautés par an), il n’est pas facile de s’y retrouver. Il existe une alternative pour y voir plus clair : connaître un bon libraire ou suivre ce qu’éditent certaines maisons. Ainsi, bon an mal an, tout ce que produit Futuropolis (groupe Gallimard) vaut d’être parcouru. Ces derniers mois, c’est pourtant Dargaud (i.e. le groupe Media Participations… des catholiques « rugueux ») qui propose le plus réussi des voyages dans l’univers du 9 e art : Paco les mains rouges, un diptyque sur le bagne.
La Rochelle, années 1930, Patrick Louis Comasson, dit « Paco », embarque à bord du Martinière, l’un des célèbres bateaux-cages de l’administration pénitentiaire. Ancien instit reconnu coupable de crime de sang, il a évité de justesse le couperet, mais n’échappe pas à la déportation à perpétuité en Guyane. En cette fin de IIIe République, la réputation du bagne, entachée par les récentes enquêtes d’Albert Londres, a singulièrement pâli. On y enverra, pour quelques années encore, plusieurs milliers de prisonniers : l’idée est de les éloigner et de les éliminer à petit feu, puisque l’espérance de vie dépasse rarement cinq ans dans les prisons et camps tropicaux.
Joliment dessinée, bien documentée, cette BD sonne juste d’un bout à l’autre : l’embarquement des anciens de Biribi à Alger, le besoin de se « bousiller » la peau en marquant son corps de tatouages (« Pas de chance », « Fatalitas », « Marche ou crève »), les viols, la débrouille, l’enfer carcéral, la corruption généralisée, en particulier chez les surveillants, l’appel de la « belle des belles » (la cavale) et les chasseurs d’hommes… tout est sobrement décrit, et l’intrigue, bien que fictionnelle, est d’un grand réalisme.
En attendant de lire le deuxième tome, qui paraîtra probablement à l’automne 2014, les plus impatients pourront se consoler avec une autre excellente BD sur le bagne, adaptée d’un récit d’Albert Londres sur le forçat anarchiste Eugène Dieudonné : L’Homme qui s’évada de Laurent Maffre (Actes Sud BD, 2006).
Paco les mains rouges. Premier volet : La Grande Terre. Par Éric Sagot (dessinateur) et Fabien Vehlmann (scénariste). Dargaud, 2013.
Cet article a été publié dans
CQFD n°118 (janvier 2014)
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Paru dans CQFD n°118 (janvier 2014)
Dans la rubrique Culture
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Mis en ligne le 07.03.2014
Dans CQFD n°118 (janvier 2014)
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