Dossier « La police tue »
Violences policières : Ali Ziri, mort d’un chibani
Mais le 9 juin 2009, à Argenteuil (Val-d’Oise), il joue aux dominos et boit plus que de raison avec un ami. La suite : un contrôle routier, le commissariat, puis la mort. Le décès survient 48 heures après.
La police voudrait vite renvoyer le corps au bled après une expertise médicale bidonnée qui diagnostique une hypertrophie cardiaque. « Une sorte de mort subite, explique Omar Slaouti. Sauf que les expertises qui vont suivre – car le corps ne part pas, la famille refuse, comme dans le cas d’Adama Traoré – vont prouver que la technique d’immobilisation par “pliage” pratiquée par les flics est en cause, sans oublier la présence de 27 hématomes, dont un de 17 cm de long. » La famille porte plainte, mais le juge d’instruction refuse la reconstitution, ne visionne pas les images vidéo, n’auditionne ni les flics, ni les témoins… « Quand on coupe le son et l’image, regrette Slaouti, c’est clair, les flics ont raison et la famille a tort. »
Ce drame casse en tout cas une certaine idée de la police confrontée à « des jeunes à casquette et dent qui brille ». Car ici, c’est un monsieur de 69 ans, menotté dans le dos, qui reçoit des coups jusqu’à en mourir. Son compagnon, Arezki Kerfali, 63 ans, invalide, a été lui aussi menotté et tabassé. Les policiers ont été jusqu’à porter plainte pour outrage et rébellion – aujourd’hui en France, on dénombre 15 000 délits d’outrages par an. Arezki, traumatisé par la mort de son ami, a été pour sa part poursuivi et condamné. Quant à Ali, il était, selon les agents, excité et insultant… « On salit post-mortem les victimes pour légitimer sa propre violence », s’insurge Slaouti.
Un premier non-lieu est confirmé en octobre 2012 par la cour d’appel de Versailles. « En février 2014, la Cour de cassation a cassé le non-lieu. L’affaire a été rejugée à Rennes, mais le non-lieu est prononcé à nouveau en février 2016. Depuis, la Cour européenne des droits de l’homme a accepté le dossier. Si le recours prospère, ce ne sont pas les flics qui seront condamnés, mais l’État français. » Ce ne serait pas la première condamnation de la France, notamment pour la technique d’immobilisation responsable de la mort de Hakim Ajimi, Lamine Dieng ou encore Adama Traoré, mais sans que rien ne change.
Alors, à quoi bon se battre ? « Mener la bataille juridique jusqu’au bout, c’est à la fois une sorte de chemin de dignité pour les familles et c’est faire la démonstration publique que la justice ne va pas au bout pour les nôtres, conclut Omar Slaouti. Quand je dis cela, j’inclus Rémi Fraisse, les sans-papiers, les Rroms… »
La France finalement condamnée
En juin 2018, quatorze mois après la parution de cet article sur papier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné l’État français pour « négligence ».
Les juges n’ont pas remis en cause l’utilisation de la technique du « pliage » lors de l’arrestation d’Ali Ziri, mais ils ont considéré que les forces de l’ordre avaient ensuite tardé à lui porter secours : « La situation de M. Ziri au commissariat d’Argenteuil a été traitée avec négligence par les autorités », a estimé la CEDH, retenant que « les autorités n’ont pas fait ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour prévenir le risque de décès auquel il était exposé ».
Cet article a été publié dans
CQFD n°153 (avril 2017)
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Paru dans CQFD n°153 (avril 2017)
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Mis en ligne le 15.03.2019
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