Une vérité de Françoizollande

Le 7 mars 2013, Françoizollande, chef de l’état des Françai(se)s (qui sont donc des fois très nœuds dans leurs choix présidentiels), s’interrompt soudainement, dans le cours de son hommage à feu Stéphane Hessel – décédé quelques jours plus tôt –, et lance vers sa dépouille une grosse méchanceté bien dégueulasse : le défunt, explique-t-il, « pouvait aussi, porté par une cause légitime comme celle du peuple palestinien, susciter, par ses propos, l’incompréhension de ses propres amis. J’en fus. » Puis, Françoizollande, dont le nom restera dans les siècles des siècles synonyme d’extrême dignité, ajoute : «  La sincérité n’est pas toujours la vérité. Il le savait. »

Si les mots ont un sens (et il semblerait que tel soit bien le cas, au moins pour quelque temps encore), cette déclaration signifie que les «  propos » de Stéphane Hessel sur le sort « du peuple palestinien » étaient mensongers – puisqu’ils ne correspondaient pas à « la vérité » –, mais que Françoizollande, lui, ne s’est pas laissé prendre à ces bobards1 – ‘tends, coco, à moi, tout Hessel que tu sois, on me la fait pas : j’ai quand même grandi sous Jospin, qui savait dire son fait à l’Hezbollah des mollahs, et ça, steuplaît, ça serait bien que tu l’oublies jamais, sinon je te crache encore sur le tombeau.

Oyant cela, on se dit : mais quels étaient, au juste, ces propos qui font que Françoizollande se comporte si bizarrement – disons comme ça pour rester dans l’urbain ?

Et on vérifie.

Et on (re)découvre que dans le petit livre qui lui a valu une grande renommée – Indignez-vous !2 – Hessel, dans les deux pages consacrées à son « indignation » à propos de « la Palestine », décrivait Gaza en « prison à ciel ouvert pour deux millions de Palestiniens ».

En quoi cette description, frappée au coin de la plus élémentaire évidence, était-elle contraire à la réalité des faits ? En quoi la dénonciation du harassement des Palestinien(ne)s par l’armée et le gouvernement israéliens – et leurs colons de compagnie – pourrait-elle, dans la vraie vie, susciter de « l’incompréhension » ? C’est ce que Françoizollande n’a (bien évidemment) pas dit, et cette omission est tout à fait regrettable – mais il est vrai aussi que sur ce sujet, « la vérité » qu’il prétend (implicitement) détenir doit, d’après ce qu’on en devine – et puisqu’elle va contre les observations de Stéphane Hessel –, ressembler d’assez près à celle du gouvernement israélien, qui est l’un des plus réactionnaires de la planète : cela fait une parenté de vue un peu lourde à porter, et c’est probablement pour ça que l’hôte de l’Élysée, comme on l’appelle dans la presse comme il faut, s’est montré si laconique – parce que bon, maintenant que tout le monde sait qu’il tient dans les affaires sociales une ligne étroitement giscardienne, ça pourrait le gêner qu’on découvre qu’il a de surcroît des vues busho-netanyahistes sur la Palestine accablée.


1 Il est vrai que le gars est de l’espèce des « socialistes », qui a – c’est connu et solidement documenté – les menteries en horreur.

2 Éditions Indigène, 2010. Perso, je n’ai jamais bien compris les sympathies d’Hessel pour les tristes clown(e)s du Parti « socialiste » – mais bon.

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Paru dans CQFD n°109 (mars 2013)
Dans la rubrique Rage dedans

Par Sébastien Fontenelle
Mis en ligne le 06.05.2013