Vins libertaires et bières sociales

Une dernière binouze pour la lutte

Chaque lutte voit fleurir ses « produits dérivés » militants, notamment à base de houblon. L’opposition aux OGM connaît sa bière et son vin des faucheurs. L’opposition à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a vu apparaître une bière bio « Aeroport Nann ! », produite par la brasserie bretonne Coreff en soutien à la Confédération paysanne et à l’Acipa.

À l’origine de l’opération, on trouve Christian Troadec, un des porte-parole des bonnets rouges et aussi ancien propriétaire de Coreff entre 2005 à 2008, dont il a déménagé la brasserie de Morlaix à Carhaix, la ville dont il est le maire divers gauche depuis 2001. Visiblement, Troadec a gardé quelque influence sur la marque, revendue en 2008 au trader brestois Matthieu Breton… Fin 2012, 5000 premières bouteilles de Coreff anti-aéroport sont distribuées à prix coûtant, c’est-à-dire sans la marge bénéficiaire. Mises en vente 2 euros, la moitié doit revenir à l’Acipa. Au total, la vente de ces binouzes de soutien aurait rapporté une dizaine de milliers d’euros, ce qui constitue une aide non négligeable.

« Sa proposition nous a d’abord étonnés, confie Dominique Fresneau, de l’Acipa. On a pensé à un coup de buzz. Puis on l’a rencontré et son opposition à l’aéroport nous a paru sincère, comme c’est d’ailleurs le cas pour beaucoup de bonnets rouges de base qui ont pu aussi rejoindre les comités anti-aéroport partout en Bretagne. » Pourtant la position de Troadec, qui avait appelé à la mobilisation à Nantes le 22 février, est loin de faire l’unanimité au sein de la fameuse nébuleuse des bonnets rouges. Au sujet de son appel à manifester, son compère de la FDSEA, Thierry Merret – chantre de la filière agro-industrielle ultra-productiviste, rappelons-le – avait d’ailleurs déclaré : « Christian Troadec a fait une erreur de com1. » Erreur de com ou excellente opération de marketing identitaire qui ménage la chèvre et le chou, les intérêts des patrons bretons et la lutte paysanne écologique ? La question reste ouverte.

Loin des vastes opérations commerciales, la brasserie du Bouffay, située dans la banlieue de Nantes et à une demi-heure de Notre-Dame-des-Landes, a elle aussi apporté un soutien concret à la lutte mais, dans son cas, sans arrière-pensée publicitaire. « On est un soutien parmi tant d’autres, souligne Pierre, un des employés joint par CQFD. Des gens ont fourni des conserves, du jus de pomme, du pinard (du saint-pourçain). Les implications ont été diverses et parfois étonnantes. »

La brasserie, qui vise à fonctionner au maximum en filière bio et en circuit court2, et où les employés se payent de façon égalitaire sur le partage des bénéfices, a fourni près de 8 000 litres aux comités de soutien. Les boutanches de 75 cl sont vendues 5 euros, sur lesquels la brasserie récupère deux euros. «  On est en dessous du prix coûtant, puisqu’on n’a pas comptabilisé le coût de notre temps de travail, précise Pierre. Si tu ne peux pas prouver ton engagement sur un truc important qui se passe à côté de chez toi, tu n’en auras jamais l’occasion, tu vois ? Si on apparaît sur l’étiquette, c’est parce que c’est obligatoire légalement, mais à la limite, on s’en fout d’être nommés. » Dont acte !

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1 RTL, le 23/12/2013.

2 La Brasserie du Bouffay participe, avec plusieurs brasseurs et micro-brasseurs bretons (Coreff, Lancelot, brasserie de Launay) à la filière « De la terre à la bière », qui vise à fédérer producteurs de céréales bio, collecteurs d’orge et brasseries afin de privilégier, non sans contraintes, un circuit intégré d’approvisionnement local.

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