Une commune zapatiste en France
Dans la ragaillardissante fiction utopiste de Jean-François Aupetitgendre, La Commune libre de Saint-Martin (éditions libertaires), M. Laurent ne « se monte pas le verre en fleurs » en se présentant coluchesquement aux élections municipales. À l’instar du père Peinard, au XIXe siècle, dont il retrouve un manifeste choc, il sait que tous les candidats, « qu’ils soient bourgeois ou ouvriers, socialistes ou réacs, se foutent de nous », qu’il y a lieu d’« envoyer dinguer tous ces chameaux ». Malgré son programme cinglant (« la suppression pure et simple du commissariat de police, de l’école, des banques, de l’ANPE et même de la mairie ») qu’il assaisonne de contrepèteries et de bons mots d’Alphonse Allais, M. Laurent est élu. Et d’instaurer par arrêté municipal à Saint-Martin une démocratie vraiment directe. D’abord incrédules, les 5 000 habitants de la commune expérimentent bientôt la vie sans contraintes. Les pouvoirs publics s’inquiètent. À juste titre : d’autres microsociétés libertaires se mettent en branle. La répression s’organise. M. Laurent, taxé de terrorisme, est incarcéré aux Baumettes, les manifs de solidarité avec lui sont chargées par les CRS, la commune de Saint-Martin est peu à peu renormalisée. Seulement il est trop tard : le goût de l’auto-organisation se répand.
Dommage qu’il y ait un hic. Piqué par on ne sait quelle mouche, l’auteur du brûlot se réfère sans rire au début de certains chapitres à Malraux, Alain, Maurice Druon, Jean-François Kahn et à quelques autres racloirs à parquets.
Dans le florilège de Nouvelles anarchistes (1890-1946) harponnées par Vittorio Frigerio (éd. Ellug), on n’a affaire, par contre, qu’à de merveilleux gredins entendant refaire le monde. Parmi ceux-ci : le romancier pyromanesque Victor Barrucand, le poète émeutier Jean Richepin, le prince noir du sabotage Émile Pouget, le chantre de la « camaraderie amoureuse » Ernest Armand, le pacifiste aguerri Lucien Descaves, le pamphlétaire anticolonialiste néerlandais Multatuli ou le « scandaleux » agitateur béquillard Albert Libertad. Plus une manne de surprises. Telle une charge voluptueuse contre « l’esprit de propriété » des êtres jaloux, par Maurice Leblanc qu’on croyait plus conservateur. Et une exhortation pousse-au-crime du « conformiste » Catulle Mendès : et si, les belles-de-nuit, vous tranchiez la gorge de vos macs ?
Cet article a été publié dans
CQFD n°107 (janvier 2013)
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Paru dans CQFD n°107 (janvier 2013)
Dans la rubrique Cap sur l’utopie !
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Mis en ligne le 05.03.2013
Dans CQFD n°107 (janvier 2013)
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