Mais si la mort a occulté la vie, c’est bien cette dernière que convoquent les deux auteurs, Leila al-Shami et Robin Yassin-Kassab. Tendant l’oreille « aux voix provenant de la base », ils rappellent qu’en 2011 et 2012, « la Syrie a été le théâtre d’une explosion de créativité, de libre expression et de débat ». Loin « des grands récits convenus » et binaires, ce sont les envolées qui ressortent. Le musicien Ibrahim Qachouch chantant « Allez dégage, Bachar » à Hama, accompagné d’une foule en liesse. Kafranbel, petite ville devenue célèbre pour ses slogans révolutionnaires teintés d’humour noir. Ou le caricaturiste Ali Ferzat croquant le pouvoir d’un trait trompe-la-mort. Ci-gît la terreur.
Nul angélisme dans le propos des auteurs, qui s’attardent sur les erreurs des insurgés, notamment de l’Armée syrienne libre. En première ligne, cependant, ce sont bien le machiavélisme vertigineux d’un pouvoir adepte de la terre brûlée et le cynisme des grandes puissances qui sont pointés. « Pompier pyromane », le clan Assad a carbonisé les espoirs de tout un peuple. Pas sûr pourtant que cela suffise à durablement occulter les graines semées. On peut écraser une révolte, pas les fenêtres qu’elle a ouvertes. Ce que rappelle un insurgé : « L’injustice ne peut se maintenir que par la peur, et ce jour-là nous avons brisé la peur pour toujours. »