Se tuer au travail ou vivre d’air pur ?
Au milieu des chants, Francesca fait entendre la voix du comité : « Après l’ordonnance de Todisco, il y a eu des troubles à Tarente. Il a été dit que les travailleurs avaient bloqué le pont et la ville pour demander le maintien de l’activité de l’usine. Le but était de créer une fracture entre ceux qui défendent le travail et ceux qui défendent la santé. Sur le pont, les travailleurs nous ont dit qu’ils s’étaient mis en grève sur les conseils de l’entreprise. C’était la première fois qu’ils nous voyaient et une solidarité est née. Ça ne s’était jamais vu. Les travailleurs ont dit publiquement que dedans on meurt. Les agriculteurs du coin ont dû abattre six cents têtes de bétail. Autour de Ilva, un rayon de cinq cents mètres est interdit au pâturage et il s’étend jusqu’à une vingtaine de kilomètres en direction de la côte. […] On nous fait du chantage : “Vous voulez la santé ou l’emploi ?” Ce n’est pas la bonne question. C’est pour diviser les gens. Le problème à Tarente est évident. Si vous allez à Tamburi un jour de vent, ça vous brûle le nez, vous avez un goût de métal dans la bouche. Notre objectif est de faire comprendre aux ouvriers que nous ne sommes pas contre eux. »
Cataldo travaille sur les installations maritimes de Ilva : « Cette usine casse tes droits et ta dignité. Si tu refuses d’exécuter un travail dangereux ou si tu fais grève, tu n’auras pas de promotion. Si tu acceptes de risquer ta vie, tu iras loin. Ça marche comme ça. […] »
Il continue : « Nous sommes en colère. Ils nous tuent au travail et on s’entend répondre “c’est comme ça ou vous serez tous mis à la rue”. Aujourd’hui, un collègue a témoigné : il a trente-huit ans, cinq enfants, malade d’un cancer, et il a été licencié. Neuf mois de chimio. Que faire pour ce gars-là ? Et que faire de ceux qui ne pensent qu’à s’enrichir ? […] Tarente n’était pas destinée à produire du poison. Il y a d’autres ressources. Quelqu’un a décidé que Tarente serait la poubelle de l’Italie et on meurt de ce poison. Quelqu’un a pris la décision stratégique qu’il y ait ici quarante pour cent de chômage, afin de nous obliger à défendre ce travail qui nous tue. Il n’y a plus de négociation possible. […] Les drapeaux et les partis qui nous séparent, on les leur laisse ! Nous, les travailleurs de ce comité, nous ne sommes pas contre les travailleurs de Ilva. […] Nos collègues morts, nous les avons pleurés ensemble. […] Nous ne sommes plus syndiqués, nous avions honte. Si vous demandez aux ouvriers de Tarente ce qu’ils pensent des syndicats, ils vous diront qu’ils sont tous corrompus. Complices et vendus. Ils ont montré ce qu’ils sont. Ils sont soumis à l’entreprise. »
Extraits de l’article publié le 19 août sur www.napolimonitor.it. Voir aussi « Avoir le cancer, plutôt crever ! ».
Cet article a été publié dans
CQFD n°103 (septembre 2012)
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Paru dans CQFD n°103 (septembre 2012)
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Mis en ligne le 09.11.2012
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9 novembre 2012, 11:38, par spiderman
ta rente tue le vivant et suce la vie autour d’elle.....