Raah, les socialos !

NÉ D’UN LOINTAIN ESPOIR d’émancipation humaine et de « justice sociale » – dixit Laurent Fabius (sic) –, le socialisme a connu une tendance « réformiste » dont le Parti socialiste serait l’ultime héritier. À force d’opportunisme politicien, la social-démocratie n’en finit plus de ramper, se délestant au passage de ses principes les plus fondamentaux. Retour en quelques dates sur quelques infamies, non exhaustives, histoire de tirer sur le corbillard :

31 août 1914 : Le nationaliste Raoul Villain tue le pacifiste Jean Jaurès. Le lendemain à la même heure, les parlementaires socialistes votent l’Union sacrée, s’asseyant au passage sur la chimère de l’internationalisme. « À Berlin ! », scande-t-on la rose au fusil. 9 millions de morts plus tard, c’est l’Armistice.

1936-39 : Face à la montée du fascisme en Europe, Léon Blum préfère prôner, à contrecœur, la non-intervention durant la guerre d’Espagne. Si l’application de l’embargo est molle dans les faits, pendant ce temps, fascistes italiens et nazis allemands s’exercent joyeusement chez les Ibères.

Mai 1947 : Deux ans après les tueries de Sétif et Guelam (gouvernement de la Résistance), le gouvernement de gauche de Paul Ramadier pacifie Madagascar, non sans amertume. 89000 « insurgés » (pourtant armés d’à peine 250 fusils) sont trucidés. L’armée française expérimente au passage une nouvelle technique de guerre psychologique : le largage de suspects vivants depuis avion au-dessus des villages. 1956-57 : Guy Mollet a des fourmis algériennes dans les jambes, la mort dans l’âme, il cède à la pression des colons… La guerre contre-insurrectionnelle fait rage. « L’Algérie, c’est la France » et « la seule négociation, c’est la guerre », déclare martialement le ministre de l’Intérieur, François Mitterrand. Le même refuse le recours en grâce du militant anticolonialiste Fernand Yveton qui est guillotiné. Sa tête ne repoussera pas.

Mai 1981 : « On a ganié ! » La gauche a enfin un chef qui a de la stature ! Normal, il a été formé dans les cabinets du Maréchal et des Cagoulards.

1981-1986 : Le PS recycle les jeunes loups trotskystes (Julien Dray, Jean-Christophe Cambadelis) par containers via l’Unef-ID, la Mnef ou SOS-Racisme, véritables vaches-à-lait pour certains dirigeants…

1984 : Les CRS tapent sur les sidérurgistes lorrains. Le Front national opère sa mue de groupuscule de fondus d’extrême droite en premier parti ouvrier de France sous l’œil débonnaire de Tonton.

Juillet 1985 : Charles Hernu, ministre de la Défense, trouve Greenpeace un peu mou du genou en matière d’écologie radicale et fait torpiller le navire Rainbow Warrior par des barbouzes en Nouvelle-Zélande. Oups, un mort. En août, le gouvernement français refuse de signer les traités de Rarotonga faisant du Pacifique Sud une zone dénucléarisée.

1986 : L’ancien sidérurgiste Pierre Bérégovoy ouvre la voie de la déréglementation des marchés financiers.Jacques Delors et son sherpa Pascal Lamy, puis Michel Rocard et Dominique Strauss-Kahn, lui emboîteront le pas avec pragmatisme.

7 mai 1988 : Deux jours après le massacre de dix-neuf Kanaks à Ouvéa par les gendarmes français, François Mitterrand est réélu Président. Fin stratège, il avait donné le feu vert de l’assaut, en qualité de chef des armées, espérant bien que la boucherie annoncée éclabousserait son Premier ministre et rival, Jacques Chirac.

1990 : Michel Rocard ne peut pas et ne veut pas « accueillir toute la misère du monde » dans son loft de Matignon. Il en est bien contrit.

1991 : Le gouvernement socialiste s’associe aux faucons américains pour aller botter le cul à Saddam après lui avoir vendu moult Mirage F1 et Exocet, Superfrelon, missiles Crotale, missiles AS30, durant la guerre Iran-Irak.

1997 : Lionel Jospin réclame un droit d’inventaire sur le bilan Mitterrand. Son adipeux pote Claude Allègre joue le repoussoir auprès du corps enseignant, réservoir militant pourtant non négligeable. Et son autre pote Dominique Strauss-Kahn achève de convaincre les libéraux qu’il est des leurs en privatisant à tout va.

2000 : « L’État ne peut pas tout », lance Lionel Jospin, impuissant, devant les ouvriers de Michelin en proie aux licenciements boursiers.

2001 : Paquet cadeau sécuritaire et antiterroriste avec la LSQ, la loi sur la sécurité quotidienne. L’expert rocardien Alain Bauer se frotte les mains : les affaires reprennent. En 2002, la surenchère sécuritaire profite à Jean-Marie Le Pen qui passe le premier tour de la présidentielle. Jospin fait ses adieux au show-biz.

Pour 2012, Manuel Valls, enfin décomplexé, veut « opérer une synthèse entre la gauche et le libéralisme » ! On lui dit que c’est déjà fait ?

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Paru dans CQFD n°69 (juillet-août 2009)
Dans la rubrique Les vieux dossiers

Par Anatole Istria
Mis en ligne le 19.09.2009