À Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, et ses 1,7 million d’habitants, on recense quelques 4 000 maquis, soit un maquis pour 425 habitants. Aujourd’hui, ces endroits populaires se déclinent sous toutes les configurations : bars, restaurants, dancings, petits locaux de fortune construits dans le prolongement d’une cour familiale, souvent sans autorisation, cabane bringuebalante accompagnée de tables et chaises rouillées éparpillées sur un terrain vague, comptoir et terrasse en dur sous pergola, ou grande cour fermée à la décoration ciblée avec piste de danse et grosse sonorisation.
Le maquis est au cœur de la vie quotidienne des Ouagalais. Ici, le manger et le boire sont indissociables. Selon les endroits et à toute heure, on trouve du tô, pâte de farine de mil servi avec une sauce gombo ou à l’oseille, du riz en sauce, du riz gras, des brochettes en tout genre dont la plus cocasse : la brochette de gras jaune de bosse de zébu, du porc au four, prononcé « porkofou », qui est cuit entier dans un four en terre puis découpé grossièrement à la machette, pouvant occasionner à sa sortie quelques bousculades pour en choisir les meilleurs morceaux et puis enfin et bien sûr les fameux poulets « télévisés [1] », « bicyclettes [2] » et « sur pattes [3] ». Tout cela s’accompagne exclusivement de bières locales ou, pour les plus sobres, de « sucreries [4] » et tout sur la table est mis en commun.
Au maquis on rencontre toutes les catégories sociales – bien que certains maquis, surnommés « maquis ministre », soient réservés aux classes les plus élevées. C’est le meilleur endroit pour faire son intégration à la grande ville lorsqu’on vient du village. C’est un lieu de solidarité. On y accepte facilement de faire crédit et les mendiants peuvent y être nourris. Mais cette convivialité cache aussi, comme souvent en Afrique, les tristes réalités du travail et de l’exploitation des enfants ou la prostitution. Les maquis génèrent une énorme économie informelle mais résorbent malgré tout une part non négligeable de la misère.
Bien que les autorités soient parfaitement conscientes du phénomène et qu’elles fassent mine de vouloir intervenir, elles savent pertinemment qu’elles n’ont pas d’autres alternatives face à l’anarchie des maquis. Mais cette anarchie est avant tout une auto-organisation de la population qui pallie l’incapacité et la corruption des élites qui, par ailleurs, y « bouffent » aussi allègrement. « En tous cas là, ça caille mal, mal, mal, alors une Brakina bien tapée et sap, sap… [5] »
[/Néné/]