Police
Plus de balles, moins de bisous
Le grand moment de fraternité républicaine autour de la police, initié en 2015 et labellisé Charlie, connaît un prolongement attendu. Les flics entendent bien désormais tirer les dividendes de la guerre au terrorisme. Pour preuve de ce retour aux choses sérieuses, le slogan entourant un écusson tricolore sur un bonnet de pandore énervé lors d’une manifestation à Paris le 13 décembre dernier : « Nous sommes là pour protéger vos culs / Pas pour vous les embrasser. » Outre les cadeaux traditionnels – véhicules et fusils flambant neufs –, les revendications de la mobilisation des policiers en colère, association animée par Guillaume Lebeau et Maggy Biskupski pour structurer un mouvement « apolitique » et « asyndical », se concentrent sur une vieille antienne : la justice mettrait beaucoup moins de zèle à poursuivre les vrais délinquants que les représentants de l’ordre qui défouraillent à tout va.
La solution ? Là aussi, guère de nouveauté puisqu’il suffirait, selon eux, d’aligner les règles d’ouverture du feu des policiers sur celles des gendarmes. Une personne qui tente de s’enfuir après son arrestation ou une voiture qui force un barrage ? une balle. Un attroupement menaçant qui voudrait contester le terrain occupé par la bleusaille ? une rafale. Sans aller jusqu’à ces extrêmes manifestations d’autorité1, un assouplissement de la législation en vigueur aurait peut-être permis de classer sans suite deux vilaines affaires qui ont récemment mis en cause le « travail » des forces de l’ordre. Au tribunal de Bobigny (voir CQFD n° 149), les trois cow-boys qui avaient tiré dans le tas avec leurs Flash-ball après l’expulsion d’un squat en 2009 ont écopé, au total, de 32 mois de prison avec sursis et 42 mois d’interdiction de port d’arme. Un jugement tardif qui reste bien en-deçà des réquisitions du procureur qui a décidé de faire appel de même que les condés condamnés.
Autre affaire : selon le parquet de Paris, le tir d’une grenade de désencerclement par le brigadier-chef Alexandre M. qui a éborgné le syndicaliste Laurent Théron pendant la manifestation du 15 septembre 2016 contre la loi travail peut être qualifié de violences volontaires ayant entraîné une mutilation permanente. Cette qualification criminelle enverrait le CRS devant les assises. Du moins au terme de l’instruction qui s’annonce vraisemblablement encore plus longue que dans l’affaire jugée à Bobigny…
Quant aux mesures exigées par le front policier, syndical ou non, elles ont été débattues en conseil des ministres le 21 décembre dernier. En matière, ça va plus vite que la justice. Et c’est plus efficace.
1 Ceci dit, les flics revendiquaient un permis de chasse en totale impunité sous la forme d’une « présomption de légitime défense ».
Cet article a été publié dans
CQFD n°150 (janvier 2017)
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Paru dans CQFD n°150 (janvier 2017)
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Mis en ligne le 21.09.2019
Dans CQFD n°150 (janvier 2017)
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