Mordre et tenir selon Cometbus
On n’achève pas les punks
« Comment faire durer les choses que l’on aime ? » La question n’a rien d’anodin. Surtout formulée par Aaron Cometbus, amoureux proclamé des causes perdues – des squats autogérés aux micro-labels de punk, en passant par les librairies férocement contre-culturelles ou les éditeurs fondus de publications déjantées. De New York à San Francisco en passant par Seattle, dans Post-Mortem (Demain les flammes & Nœuds éditions, 2025), il part en chasse de ses amours rebelles passés, entre inventaire et autopsie. Pas simple. « Les nobles idéaux, c’est mon truc, écrit-il. Mais je voulais dépasser la rhétorique et comprendre ce qui fonctionnait dans la réalité. » En découlent de belles retrouvailles et des constats d’échec, des tonnes de nostalgie et la joie de retrouver ce qui parfois perdure. En fond sonore, l’impression d’une épidémie de perdition, entre succès qui tronçonnent l’idéal et disparition pour cause d’épuisement. Rageant : « Nous étions si nombreux, prêts à œuvrer gratuitement pour la cause. Nous devrions posséder le centre-ville de toutes les grandes villes à l’heure qu’il est. »
Bilan en demi-teinte, donc. D’autant plus qu’il est difficile de démêler ce qui est nostalgie de boomer et vision objective. « Je dois vraiment résister à la tentation de devenir cette personne qui dit : “barrez-vous de ma pelouse, sales gamins” ! » avoue l’un de ses interlocuteurs, roi de la BD underground désormais un peu déphasé. Et c’est là que la recension percute l’actualité de ce journal. Et que je délaisse mes pages et pages de notes sur l’excellent Post-mortem pour rebondir sur notre situation.
Moi-même désormais vieux con, je suis d’autant plus épaté par les capacités de CQFD à se renouveler au fil des ans sans dévier d’une ligne intransigeante, ce mordre et tenir qui anime le canard depuis sa naissance. Ça change, ça évolue, ça rajeunit, mais le fond reste le même, acharné à ruer contre l’air du temps. Une certitude : tenir aussi longtemps est un exploit. Plus de vingt ans à batailler contre vents et marées dans les kiosques, l’exploit n’est pas mince. « Peut-on perdurer sans perdre son âme ? » s’interroge le barde punk. À ça, on peut répondre sans rougir que yep, on peut (même si on a plus que jamais besoin de votre soutien ! ! !). Avec cette certitude : tant qu’on n’aura pas mordu la poussière, on lâchera rien. Taïaut, encore et toujours.
Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.
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1 Pour une description énamourée de son approche de la micro-édition, lire « Les fanzines ont des ailes (les punks et les bouquinistes aussi) », CQFD n°205 (janvier 2022).
Cet article a été publié dans
CQFD n°246 (novembre 2025)
Ce numéro de novembre s’attaque de front à la montée de l’extrême droite et à ses multiples offensives dans le milieu associatif et culturelle. On enquête sur les manœuvres des milliardaires réactionnaires, l’entrisme dans la culture et les assauts contre les assos dans le dossier central. Hors-dossier, on vous parle des les alliances nauséabondes entre hooligans, criminels et pouvoir en Serbie, on prend des nouvelles des luttes, de Bruxelles aux États-Unis, en faisant un détour par Exarchia et par la Fada Pride qui renaît à Marseille. Et pendant qu’on documente la bagarre, le Chien rouge tire la langue : nos caisses sont vides. On lance donc une grande campagne de dons. Objectif : 30 000 euros, pour continuer à enquêter, raconter, aboyer. CQFD compte sur vous !
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Paru dans CQFD n°246 (novembre 2025)
Dans la rubrique Bouquin
Par
Mis en ligne le 26.11.2025
Dans CQFD n°246 (novembre 2025)
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