Mouchard électronique

Linky, dégage !

D’ici 2021, 35 millions de compteurs ERDF devraient être changés pour Linky, le nouveau gadget fliquant et flippant de nos chers électropathes technophiles...

Halle de la Biocoop de Prades (Pyrénées-Orientales) le 18 mars 2016. Tracts, pétitions, annonces de réunions publiques, lettres types aux élus. Effervescente militance, le badaud se fait héler : « Bonjour Madame, le compteur Linky, vous connaissez ?  » Le quoi ? Linky, le nouveau gadget qu’ERDF est en train de fourguer en douce. Un progrès que même l’écrivain Asimov dans son Cycle des Robots n’aurait pas imaginé : un compteur « intelligent », « communicant », chargé d’envoyer les données de notre consommation électrique à un centre de contrôle. Fini les factures sur estimation : avec Linky, payez exactement ce que vous consommez. « Il y a un mais dans votre histoire, non ?  » Pas un, hélas ! Plusieurs.

Le rayonnement de la bête passe par du Courant porteur en ligne (CPL) pour lequel nos circuits électriques (non blindés) ne sont pas adaptés. Résultat : ce manque d’étanchéité est susceptible de transformer chaque appareil électrique de la maison en petite antenne-relai. Un bonus qui sera sûrement apprécié par les quelque 70 000 électrosensibles recensés dans l’Hexagone. Dans un communiqué du 31 mai 2011, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) classait les radiofréquences CPL comme « potentiellement cancérigènes  ». Un risque sanitaire pris en compte par la Belgique et l’Allemagne, qui ont refusé le déploiement du compteur communicant sur leur sol. En Californie, un scandale sanitaire nourri de collusion entre médecins de l’OMS et fournisseur d’énergie a poussé les autorités à désinstaller nombre de ses « smart meters ».

Tignasse blanchie et regard en alerte, Roger est artisan-électricien. Sa spécialité : mesurer les champs électromagnétiques et proposer des installations moins polluantes. Face au Linky, le professionnel est démuni : « Linky émet des micro-impulsions, on parle de millièmes de seconde. Ça passe, ça s’arrête, et le courant est déjà 300 kilomètres plus loin. Mon appareil n’a pas le temps de mesurer ça.  » ERDF avance les risques de piratage pour justifier l’absence de publication de données techniques sur le compteur. Argument pratique pour faire achopper les expertises indépendantes.

Durant sa phase d’expérimentation (2010-2011) dans les zones rurales d’Indre-et-Loire et de Lyon, des pannes à répétitions et plusieurs incendies ont été constatés. Depuis, plusieurs témoignages tendent à prouver que Linky n’a pas vraiment gagné en fiabilité. Journaliste scientifique, Annie Lobé1 est une infatigable pourfendeuse du boîtier jaune. En Ariège, où la fronde anti-compteur grossit de semaine en semaine, elle raconte comment une habitante s’est vu installer le compteur durant son absence. « À son retour, le thermostat était en panne, bloqué pendant deux jours sur 15°.  »

Lobé entend mobiliser et mettre en demeure le gouvernement d’abroger les articles de loi instaurant le Linky. Pour ce faire, un coup de pression doit être mis sur les maires, en première ligne en cas de pépin sanitaire ou d’accident. « Le maire de Loubaut (Ariège) a contacté les assurances pour savoir s’il était couvert en cas de problème avec le compteur. On lui a dit que non. Il a refusé le Linky 2.  »

La révolution du compteur intelligent permet au fournisseur d’énergie de fliquer le quidam via sa consommation électrique. Tel jour, telle heure, monsieur dame était présent à son domicile. Énième atteinte à la vie privée ? Qu’importe, avec l’état d’urgence, il n’est plus temps de mégoter. À une échelle plus vaste, Linky s’inscrit dans la logique du Smart Grind, réseau électrique intelligent qui nécessitera le traitement de milliards de données. Ce business du Big Data électrique, boosté par la transition énergétique, fait déjà saliver. Roger est catégorique : « ERDF a besoin d’argent et il y a des grandes firmes qui ont déjà fait savoir qu’elles étaient intéressées. Le fabricant de matériel électrique Legrand a annoncé sur Internet qu’il voulait collecter et exploiter ces données.  » Autre bienfait de l’automatisation numérique : l’impécunieux se fera désormais couper le jus à distance. « Aujourd’hui, un technicien se déplace, constate que vous êtes dans la misère et vous laisse deux jours de délai, il met l’abonnement au minimum. L’ordinateur agira de manière mathématique : ce sera salut et au revoir. Et ça fait tant pour couper et tant pour remettre le courant. Voilà vers quoi on va.  »


1 Elle anime notamment le site santepublique-editions.fr.

2 53 communes ont déjà refusé Linky et son alias GRDF, « Gazpar ».

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2 commentaires
  • 21 octobre 2018, 09:37, par Candice

    Bonjour, J’ai quelques questions, pas pour dénigrer le travail fournit mais pour peut être modifier le suivant si vous trouvez les remarques justifiées : Qui est cité (en guillemets et italique) ? Comment avez-vous obtenu ce témoignage ? Qui est cette personne ?

    Est-ce que vous pouvez publier un petit schéma fait-main (avec source biensur) ou un rapport scientifique qui explique un peu plus le paragraphe "le rayonnement de la bête" svp ? Pour une meilleur compréhension

    Sinon j’aime bien que tu (journaliste) / vous (le mensuel) te/vous batte/iez pour une certaine forme de liberté des donnés personnelles ! Biensur : chapeau pour le travail fournit ! ;)

  • 14 novembre 2018, 18:42, par Floréal

    Bonjour, depuis que cet article a été écrit, nous avons étoffé notre information sur le sujet. Aujourd’hui, une assignation de 106 requérants des P.O. (66) va être adressée à encontre d’ENEDIS. Cette requête s’appuie sur le fait qu’ ENEDIS viole plus d’une vingtaine d’articles de loi de différents codes. Si les juges du TGI appliquent les textes, le déploiement deviendra illégal et les demandes de déposes des compteurs déjà posés aboutirons avec succès. http://www.paroleslibres.lautre.net...

Paru dans CQFD n°142 (avril 2016)
Par Sébastien Navarro
Mis en ligne le 19.10.2018