Il y a 40 ans paraissait le manifeste des 343 salopes. 343 femmes qui déclaraient avoir avorté, en toute illégalité ; 343 femmes qui avaient décidé de réagir face à la boucherie provoquée par une interdiction inique, obligeant les femmes à se débrouiller seules pour avorter, quitte à s’esquinter ou à mourir. Depuis 1975, en France, on ne meurt plus en avortant. Mais on en crève encore trop souvent de honte et de culpabilité. Parce que les discours ambiants assènent aux femmes qu’avorter serait forcément un drame pour elles ; parce que l’avortement est encore considéré comme une tolérance plus qu’un droit, pour des citoyennes de seconde zone. Qu’est-ce qu’un droit qu’on ne doit exercer qu’en baissant la tête, en s’excusant et en se sentant coupable ? Depuis 1975, les médias et les politiques ressassent leurs vieux discours sur les conséquences psychologiques de l’interruption volontaire de grossesse : selon eux, avorter serait une tragédie pour chaque femme. Cet acharnement à dresser de l’IVG un portrait aussi sinistre ne traduit en rien un quelconque souci pour le bien-être des femmes. Cet acharnement traduit une peur, la peur qu’elles prennent possession de leur corps en toute liberté, sans culpabilité, sans honte, sans craintes. Cette peur, Simone Veil l’évoquait déjà dans son discours du 26 novembre 1974 à l’Assemblée nationale : « Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu’il perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ? […] C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. » Depuis 1975, avons-nous avancé ? Les craintes d’une explosion du nombre d’avortements ne se sont pas confirmées. Les femmes ne sont pas irresponsables, idiotes, inconséquentes. Depuis 1975, a-t-on cessé de culpabiliser celles qui avortent ? C’est contre cela que les « filles des 343 salopes » s’insurgent : « Nous en avons assez de cette forme de maltraitance politique, médiatique, médicale. » C’est pour cela qu’elles déclarent « avoir avorté et n’avoir aucun regret ». Ce qu’elles disent, et ce que disent avec elles les centaines de femmes qui ont déjà signé l’appel, n’est rien d’autre que « nous ne sommes pas obligées de souffrir », « nous avons avorté et nous allons très bien. » Parce qu’elles savent que la dramatisation de l’IVG est une arme de culpabilisation massive.
Pour signer l’appel : jevaisbienmerci.net.