Le cul des autres

Sandrine et Héléna grappillent toutes les deux le Revenu de solidarité active (RSA). Sandrine a un enfant de huit ans, vit en couple et travaille quelques heures par jour dans le « service à la personne ». Toute la journée, elle court entre la maison, les courses, le ménage, la bouffe, l’école et les personnes âgées qu’elle lave, fait manger et écoute se plaindre. Elle bosse deux heures par jour, quarante-cinq minutes le matin, quarante-cinq minutes le midi, et une demi-heure le soir. Évidemment, avec les temps de trajet, ce boulot n’est absolument pas rentable, puisqu’elle passe deux heures sur vingt-quatre dans sa voiture… soit autant qu’au boulot ! Sans compter qu’elle se casse le dos et se coltine souvent des cas assez lourds, comme M. D., qui pisse partout et se

par Tanxxx

comporte comme un gros dégueulasse. Elle le supporte pourtant tous les matins, du lundi au dimanche compris. Au total, elle travaille environ quarante-cinq heures par mois, ce qui l’aide vaguement à mettre du beurre dans les coquillettes. Mais il paraît qu’elle a plutôt de la chance, car elle n’est pas seule, même si son mari ne fait pas grand-chose à la maison et que le gamin est suffisamment grand pour « se garder tout seul ».

Ce qui n’est pas le cas d’Héléna, qui a une enfant de deux ans et qui est « parent isolé », comme on dit. Elle s’est toujours demandé pourquoi on appelait cela « parent isolé », parce que jusqu’à présent, à chaque fois qu’elle rencontre quelqu’un qui élève seul ses gamins, c’est une femme. Comme beaucoup d’entre elles, Héléna essaie de courir après son ex pour toucher une pension alimentaire qui ne vient jamais. Elle reçoit 778 euros de RSA et, en plus, cumule deux petits boulots. Ce n’est pas que ça l’enchante, mais elle s’est sentie obligée d’accepter la dernière proposition qu’on lui a faite, pour ne pas avoir l’air de rechigner à la tâche. Du coup, elle enchaîne des journées marathon et mange dans sa voiture, en cinq minutes, en espérant que les heures effectuées ne lui fassent pas baisser les aides qu’elle touche. Ce serait la catastrophe, avec la nounou à payer et le prix de l’essence. Faire garder les mioches, c’est la grande préoccupation des femmes qui se débattent avec les minimas, comme on dit, et auxquelles on demande d’accepter des petits boulots mal payés pour montrer qu’elles font preuve de bonne volonté dans leur démarche de « retour à l’emploi ». L’une d’entre elles, l’air morne, me résume sa vie ainsi : « Comme boulot, on me propose toujours de m’occuper du cul des vieux… Ça ne me change pas, à la maison, je torche déjà celui de mon mec et de mon gamin. »

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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