Le féminisme à la française
« D’abord, sachez que grâce à ce “féminisme à la française”, selon Irène Théry1, on a pu “au milieu de la tempête de boue qui nous agite depuis deux semaines”, voir “se faufiler” “un petit moment de grâce démocratique […] par-delà les sexes et les cultures”.
Ce qui fait très plaisir à Groschéri, le gentil Bisounours qui vit dans les nuages.
Mais ce n’est pas tout, ces “féministes à la française” ont également “redonné sa chance à la diversité de la pensée féministe” et surtout “des centaines de milliers d’hommes s’y retrouvent très bien.”
Alors là, Groschéri est aux anges, parce qu’un féminisme dans lequel “des centaines de milliers d’hommes” ne s’y retrouveraient pas, ce serait manquer à un des fondements premiers du féminisme : ne pas bousculer les hommes. Non mais oh ! Manquerait plus que ça.
Mais avec tout cela, nous ne savons toujours pas ce qu’est un “féminisme à la française”. Et bien accrochez-vous, c’est à en avaler son dentier : “Mon sentiment est que, par-delà mes convictions, le féminisme à la française est toujours vivant. Il est fait d’une certaine façon de vivre et pas seulement de penser, qui refuse les impasses du politiquement correct, veut les droits égaux des sexes et les plaisirs asymétriques de la séduction, le respect absolu du consentement et la surprise délicieuse des baisers volés.”
Alors là, franchement, si le “féminisme à la française” existe, ce que je ne crois pas, j’en ai terriblement honte. Je ne comprends même pas qu’on puisse écrire de pareilles foutaises.
[...] Le “féminisme à la française”, ce serait donc le fait de réclamer l’égalité des droits ET d’aimer une petite domination sympathique quand on sort de l’université et qu’on va boire un verre ; ce serait aimer cette façon tout à fait charmante qu’aurait l’homme de nous reluquer nos fesses d’intellectuelle qui ne fait pas que penser, mais qui vit, voire qui s’encanaille un peu ! Tout à fait délicieux, ma chère ! Quant aux “plaisirs asymétriques de la séduction” : mais qu’est-ce que cela veut dire ? Que la domination, c’est excitant ? Je rencontre souvent des femmes qui trouvent que, finalement, un mec doit être un “vrai mec” pour leur plaire, qui disent aimer les hommes “un peu machos”. C’est affligeant pour les hommes et pour les femmes. Mais lorsque ces femmes disent cela, elles n’ont pas de tribune ouverte dans le journal Le Monde, et ne le font pas du haut de leur posture de “directrice de recherche à l’EHESS”. Leur travail, à elles, ne consiste pas à penser le monde social. Elles ne sont pas payées pour ça. Irène Théry, elle, a le temps de réfléchir avant d’écrire cela. Elle a toute une carrière d’universitaire pour le faire. Elle a toute une carrière d’universitaire pour penser cette “séduction à la française” qu’on nous a enfoncée dans le crâne depuis notre tendre enfance. »
Cet extrait est tiré de l’article « La Morale de ces morales », in Christine Delphy (coord.), Un Troussage de domestique, Éditions Syllepse, 2011.
Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.
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1 NDLR : Irène Théry est directrice de recherche à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Ses propos rapportés ici sont tirés de l’article « Un Féminisme à la française » publié sur lemonde.fr le 28 mai 2011.
Cet article a été publié dans
CQFD n°96 (janvier 2012)
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Paru dans CQFD n°96 (janvier 2012)
Dans la rubrique Les entrailles de Mademoiselle
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Mis en ligne le 01.03.2012
Dans CQFD n°96 (janvier 2012)
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5 mars 2012, 17:34
... se serait donc le fait ... Ce serait bien de mettre "ce" à la place de "se" Vivement que Mademoiselle S. ranime un peu son site, ça manque ! (Il n’est vraiment pas indispensable de faire apparaître ce commentaire)
6 mars 2012, 11:18, par CQFD
Merci à toi, c’est corrigé.