L’autre jour – c’était le 14 juin [1] -, pendant une grosse manif contre la loi dite El Khomri (LDEL), un mec a donné des coups de marteau dans des vitres de l’hôpital Necker-Enfants malades, 75015, Paris.
Aussitôt, Le Figaro de Serge Dassault a posé à ses lecteurs – qui semblent être friands de ces sondages en ligne – cette première importante question : « La CGT doit-elle payer les réparations de l’hôpital Necker ? » Puis, le 17 juin, Le Figaro de Serge Dassault a posé – c’était le titre d’un long papier –, cette seconde importante question : « Et si la CGT remboursait les dégradations avec sa cagnotte de 450 000 euros ? »
Le raisonnement qui sous-tendait cette dernière demande était fort simple, et facilement compréhensible, donc, même par le lectorat du Figaro, qui a pris l’habitude, en lisant dans ce journal les chroniques hebdomadaires de MM. Rioufol (droite extrême) et Zemmour (extrême droite), qu’on ne lui sollicite pas trop les neurones. Petit un : la CGT « a créé un fonds de solidarité qui recueille des dons pour venir en aide à tous les salariés en grève reconductible » contre la LDEL, « qu’ils soient syndiqués ou non ». Petit deux : cette caisse de grève a recueilli, en un mois et demi, 450 000 euros de dons. Petit trois : la manif durant laquelle un mec a donné des coups de marteau dans des vitres de l’hôpital Necker était notamment organisée par la CGT. Petit quatre : la CGT pourrait (et devrait) donc, par « solidarité », prélever dans sa « cagnotte » de quoi payer le remplacement de ces vitres. (Petit cinq : en plus, « les internautes réclament » ce « dédommagement ».)
Et je suis comme toi : quand j’ai lu ce truc, j’ai d’abord ri.
Mais quelques jours après sa publication – qui venait à la suite de celle d’une longue série d’éructations antisyndicales exigeant notamment que le secrétaire général de la CGT « arrête d’emmerder les Français » : des gens ont donné des coups de marteau dans les vitres du siège de cette organisation, à Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Or, Le Figaro est littéralement gavé par l’État, depuis tant d’ans qu’on s’userait à les compter, d’aides publiques à la presse : cet assistanat organisé lui a par exemple rapporté, pour la seule année 2014, la bagatelle de 15,2 millions d’euros.
Et j’entends bien qu’il y a, entre cette cagnotte-là et la caisse de grève de la CGT, une très considérable différence – qui est que la seconde est approvisionnée par des contributeurs qui font librement le choix d’effectuer cette démarche, cependant que la première est alimentée par l’argent de nos impôts sans que jamais – jamais – personne ne nous demande si nous sommes d’accord pour financer ainsi la presse ultraréactionnaire.
Mais passons outre ce détail, et convenons que si la responsabilité – au moins morale – de la CGT peut et doit, selon Le Figaro, être engagée lorsque des vitres sont brisées pendant une manif contre la LDEL : il est pour le moins normal que nous tenions quant à nous, en vertu des mêmes principes, Le Figaro pour responsable, quand des vitres sont brisées pendant qu’il publie des diatribes antisyndicales hallucinées. Allez, Serge : envoie le chèque.