Aïe Tech #21
Labo borderline
Youpi. Vieux fantasme policier aux relents de fumisterie1, le détecteur de mensonges tant prisé par Hollywood et les séries policières vit une seconde jeunesse grâce à l’intelligence artificielle (IA). Des applications telles que LiarLiar.ai promettent ainsi de dénicher les bobards des personnes avec qui tu causes, en se basant sur l’analyse des expressions faciales. Ta maman te ment quand elle te dit qu’elle t’aime sur Skype ? Démasquée la traîtresse !
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Bancal ? Oh que oui. Mais il est déjà un champ où ce type d’outil flippant est expérimenté : celui du contrôle aux frontières. Financé par l’Union européenne, l’un des avatars de cette fuite en avant parano, « iBorderCtrl », a été testé en Hongrie, en Grèce et en Lettonie sur des personnes exilées. Ce garde-frontière virtuel empile les questions et analyse le regard, la voix, les clignements oculaires… Plus besoin d’humains pour filtrer les indésirables.
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Dans son livre The Walls Have Eyes, Surviving Migration in the Age of Artificial Intelligence (The New Press, 2024), la juriste américaine et spécialiste des frontières Petra Molnar dissèque l’utilisation grandissante de l’IA dans les frontières, notamment concernant la « gestion » des personnes exilées avant et après leur entrée sur le territoire. Il ne s’agit pas que de capteurs sensoriels ou de drones, ni de chiens robots (qui commencent à être déployés à la frontière mexicaine, truc de wouf), mais aussi d’un nuage technologique traquant l’ensemble des interactions des exilés, souvent avant même qu’ils ne franchissent la frontière. Exemple entre mille, le « social media scrapping », extraction des données des réseaux sociaux, permet de dresser des profils personnels plus complets que ceux construits sur les simples données biométriques. Tu suis sur les réseaux un groupe de rap anar palestinien ? C’est mal barré pour ta demande d’asile…
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Dans son livre, Petra Molnar évoque également la cinquantaine de tours de surveillance « intelligentes » déployées en Arizona, à quelques kilomètres de la frontière, et fabriquées par le géant de l’armement israélien Elbit System. La chercheuse cite un flic frontalier énamouré déclarant que ces miradors high-tech sont « des partenaires qui ne dorment jamais, n’ont jamais besoin d’une pause café, et même ne clignent jamais des yeux ». Des surhommes, donc. Résultat des courses ? Les exilés sont forcés d’emprunter des routes toujours plus dangereuses. La frontière « intelligente » vantée par les administrations Biden ou Obama rivalise en fourberie meurtrière avec le plus basique « mur de Trump ».
1 Lire Les Détecteurs de mensonge : recherche d’aveu et traque de la vérité, Vanessa Codaccioni, Textuel, 2024.
Cet article a été publié dans
CQFD n°235 (novembre 2024)
Ce mois-ci, on s’entretient avec une militante impliquée dans la révolte contre la vie chère en Martinique. Deux de nos reporters sillonnent le mur frontière qui sépare les États-Unis du Mexique, sur fond de campagne présidentielle Trump VS Harris. On vous parle de l’austérité qui vient, des patrons qui votent RN, mais aussi de la lutte contre la LGV dans le Sud-Ouest et des sardinières de Douarnenez cent ans après leur grève mythique…
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Paru dans CQFD n°235 (novembre 2024)
Dans la rubrique Aïe Tech
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Mis en ligne le 21.11.2024
Dans CQFD n°235 (novembre 2024)
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