Sur son site Internet, La Poste se targue de proposer « des services de plus en plus innovants ». Nous ne lui en demandions pas tant. Juste, sans vouloir déranger, si nous pouvions acheter quelques timbres et, éventuellement, recevoir notre courrier. Mais ça, c’était avant la modernisation, « Cap qualité courrier » et autre « Facteur d’avenir ». L’entreprise préférée des Français est en passe de devenir leur pire cauchemar.
Tentons, par exemple, d’envoyer un recommandé avec accusé de réception, puis d’affranchir deux enveloppes. La guichetière, nous voyant débouler missives en main, lâche d’autorité : « Il faut aller à la machine ». Un peu comme si le coiffeur tendait des ciseaux à son client… Terminée, l’époque où un être humain rendait, en deux minutes, le service désiré. L’usager n’est plus roi, il est devenu le sujet de la technologie. Percevant notre air ronchon, elle nous accompagne jusqu’à l’engin maudit afin d’expliquer son fonctionnement, « comme ça, vous saurez, pour la prochaine fois ». Le recommandé tamponné, elle espère nous voir déguerpir fissa. Sauf que… Et nos lettres à poster ? « Alors, pour les timbres, c’est aussi aux machines. » Ha ? Mais pourquoi devrions-nous acquérir des compétences en affranchissement ? « Les guichetiers sont dans l’obligation de faire ça, nous explique un syndicaliste de La Poste. Ils sont même contrôlés, et peuvent être pénalisés ! Car ils ont d’autres prérogatives : celles de vendre des forfaits de téléphonie mobile “La Poste”, ainsi que des assurances. Ils n’ont plus le temps de s’occuper des soucis de timbre ! »
S’il est compliqué de poster du courrier, il est tout aussi malaisé d’en recevoir. À CQFD nous reviennent régulièrement nombre d’exemplaires destinés aux abonnés pour cause d’adresse inexacte, ou NPAI [1]. Nous pestons alors contre nos lecteurs qui ont le toupet de déménager sans prévenir. Puis, le plus souvent, après quelques recherches, nous découvrons que l’adresse indiquée est des plus exacte. Notre syndicaliste nous éclaire : « Que ce soit les rouleurs – les facteurs qui n’ont pas de tournée fixe, et remplacent leurs collègues – ou les intérimaires, ils connaissent mal les quartiers. Et la charge de travail est telle qu’ils n’ont pas le temps de tergiverser. Au moindre problème, ils classent en NPAI. » Que de temps perdu pour notre petite entreprise.
Pour faire face au mécontentement croissant, La Poste a mis en place un service de réclamation téléphonique, le fameux 3631. Notre amie Tanxxx, dessinatrice à CQFD, y a eu recours : « Suite à des allers-retours de courrier inexplicables, le destinataire a déposé une plainte. Il lui a été répondu : “Après enquête auprès du facteur, celui-ci a indiqué que votre nom n’était pas toujours présent sur la boîte aux lettres”. » Arf. Il est bien connu que les plus taquins mettent et retirent leur nom sur leur boîte. Plus sérieusement, notre facteur syndicaliste : « Ils enregistrent les réclamations, et s’engagent à y répondre au plus vite. Ils appellent cela la démarche qualité ! Mais je n’ai jamais vu autant de NPAI que ces derniers temps ! »
On voudrait dégoûter les gens du service public et les pousser à recourir aux boîtes privées qu’on n’agirait pas autrement.