On est jeudi après-midi, et je ne te cache pas que je suis un peu inquiet : ça fait depuis ce matin que la presse n’a plus publié le moindre sondage montrant qu’il faudra voter en 2012 pour Dominique Strauss-Kahn (dont le prénom porte en écho l’avenir des classes populaires) – et que seule une microscopique minorité de pauvres enculé(e)s d’ultra-gauche ne s’est pas encore donnée à lui.
A priori, la semaine avait pourtant bien commencé, avec, dès lundi, vers potron-minet, un sondage d’où ressortait que DSK « écraserait » littéralement les primaires « socialistes » [1] – les gagnant, contre Martine Aubry (de même que contre Celle-dont-le-nom-ne-doit-pas-être-dit), par 200 buts à zéro.
Mardi, même totale coolerie : un (autre) sondage nous apprenait que si l’élection présidentielle avait eu lieu dimanche prochain (plutôt qu’en avril de dans deux ans), DSK aurait tout simplement laminé la gueule à Kozy. (L’unique bémol fut que, dans la vraie vie, l’élection n’aurait pas du tout lieu dimanche prochain – mais bon, en même temps, c’est rassurant de savoir qu’on peut faire à tout moment des sondages complètement cons.)
Mercredi matin, enfin, trois éditorialistes nationaux (qui ne s’étaient pourtant pas concertés) entonnaient dans trois publications néolibérales un même chant de joie (« discrètement démarqué d’un vieux tube zazou », précisait le plus barbichu) : « DSKâââ, nous voilâââ, c’est toi que t’es le sauveur de la Frââânceuuu, DSKÂÂÂ, C’EST NOUS QU’ON JÛÛÛRE, NOUS TES GÂÂÂRS… » (Attends, Ducon, un, t’arrêtes de gueuler, et, deux, tu vas quand même pas nous faire toute la chanson, là ? me crie le chef de CQFD. Non, je ne vais pas faire toute la chanson, je lui réponds calmement : mais tu ne me parles plus jamais comme ça, si tu ne veux pas que je me mette à chanter Vanina-aha, Vanina-aha-ahahaha-ha-ha-ha [2].)
Mais, donc, là, on est jeudi, et, depuis ce matin, plus rien : plus un seul mot sur DSK, et ça commence à devenir bien flipp… Hey ! Attends ! Wait a minute : au temps pour moi, j’avais pas vu Le Nouvel Obs ! Ooooh, putain, j’ai rien dit : à vue de nez, y a au moins deux cents pages sur DSK, dans le nouvel Le Nouvel Obs [3] ! Et – attends – y a même un papier qui dit que DSK est toujours « de gauche » ! Et qu’il est « un de ces hommes qui mélangent toujours réflexion et action » ! Et que les gens qui « à l’extrême gauche le soupçonnent d’être un renégat » [4] sont des gros(se)s bâtard(e)s aigri(e)s ! YOOO ! (Attends, je m’essuie les mains : il est bizarre, ce Nouvel Obs, on dirait qu’il est plein de salive collante.)
Ben tu vois, finalement, je me suis inquiété pour rien : le jeudi aussi, c’est Domi – comme tous les autres jours de la semaine. ALLEZ ! CHANTE ! « DSKÂÂÂ… »