Telles des veuves siciliennes, deux femmes en noir arborant des lunettes de soleil rentrent dans le jardin de l’Union locale de la CGT de La Rose, au cœur des quartiers marseillais passés au Front national. Quelques syndicalistes brûlent des gauloises en devisant sur les prochaines alliances électorales. « Kalimera », bonjour en grec. Nikos, leur traducteur et membre de Syriza, demande si quelqu’un comprend le grec. Non, personne ! Il sourit. Tant mieux ! Il pourra commettre des erreurs de traduction.
Despina Kostopoulou et Evangeli Gianvaki évoquent avec pudeur les souffrances des 22 mois de lutte contre leur employeur, le ministère des Finances grec, qui les avait mises en disponibilité dans le but de les licencier, les laissant avec 250 euros par mois.
Elles représentent ces 595 femmes de ménage qui ont mené une guerre d’usure contre Samaras, alors Premier ministre, et les représentants de la Troïka venus mettre en coupe réglée le pays : « Au début nous n’étions que 10 femmes devant le ministère des Finances. Chaque jour nous fûmes plus nombreuses. » Non syndiquées, souvent immigrées, elles vont inventer des modes d’actions inédits. Elles portent des couronnes d’épines pour Pâques, lèvent le poing dans un gant de ménage rouge et, par un acharnement sans faille, font annuler une rencontre des membres de la Troïka, les obligeant à sortir par un tunnel. « Alors tout le monde s’est intéressé à notre lutte », continue Despina Kostopoulou. A une trentaine, elles ont bloqué dans sa voiture Poul Thomsen, le vampire danois de la Troïka. « Il se tordait fébrilement les mains. » Rien ne les arrête. « Nous avions la volonté, l’audace, on croyait en nos droits. » Elles pourchassent Antonis Samaras et Evangelos Venizélos son sinistre des Finances, un cadre du Pasok, le parti socialiste le plus véreux d’Europe. Devant le ministère de Finances, elles planteront la tente comme on plante ses crocs.
Ces mères de famille vont connaître la brutalité de la police. Despina raconte : « Nous avons subi une pression quotidienne, nous les cinq femmes les plus engagées. Nous avons été battues par la police et sommes passées devant les tribunaux. » Elle évoque celle qui est devenue eurodéputée de Syriza, Constantina Kouneva, cette professeur bulgare qui a fui son pays. Devenue femme de ménage en Grèce, elle dirige alors le syndicat de l’entretien lorsqu’elle se fait vitrioler dans la banlieue d’Athènes par deux inconnus. Le patronat n’est pas tendre avec celles et ceux qui demandent alors des salaires justes et des contrats en règle. La société sous-traitante qui l’employait dans le métro avait plutôt l’habitude de faire signer d’avance des lettres de démission. Avec la victoire de Syriza, elles viennent d’être réintégrées.