Peste socialiste

Gauche coloniale : Le bon vieux vote des colonies

L’enjeu du vote pied-noir a parfois jeté des passerelles entre parti socialiste et extrême droite, mais Gaston Defferre, Georges Frêche et François Mitterrand ne sont plus là pour en témoigner. Alors, pures manœuvres politiciennes ou vieux fond colonialiste ?

Drôle d’oiseau que ce Théo Balalas ! Dans le CQFD de juillet 2006, notre camarade Olivier Cyran révélait le parcours politique atypique du président de la commission des adhésions de la fédération du PS des Bouches-du-Rhône. Désormais 80 ans au compteur, il a toujours souhaité rester un « homme de l’ombre »… et pour cause : « Ancien membre de l’OAS, où il a fait le coup de poing avant de s’exiler quatre ans dans l’Espagne franquiste, Théo Balalas s’était fait connaître au début des années 1970 en participant à la création d’Ordre nouveau, un groupuscule à crâne ras farci de culottes de peau. En 1972, il œuvre à l’implantation marseillaise d’un tout jeune parti, le Front national, dont il rejoint aussi sec le bureau. […] En 1973, tandis que la propagande d’extrême droite invite le bon peuple aux ratonnades et que les locaux du FN marseillais sentent encore la peinture fraîche, Balalas fait donc son entrée au PS, où il entreprend de draguer les voix [des pieds-noirs] pour le compte de Gaston. » Balalas expliquait à CQFD que « Defferre [avait] su fédérer des personnes de toutes tendances. Il faut avoir des amis partout. Au moins cent mille expatriés se sont installés à Marseille, ça fait autant d’électeurs. »

Le vote des rapatriés est effectivement, dans certaines régions, l’objet de toutes les convoitises, tandis que le mouvement gaulliste s’est grillé pour des lustres auprès des Français d’Algérie à cause de sa « trahison » de 1962. Outre le fait qu’il existe indéniablement une sensibilité de gauche très ancienne chez le petit peuple pied-noir, les édiles socialistes savent également caresser la fibre « Algérie française » la plus radicale. Dans son fief du Languedoc, feu Georges Frêche promettait la création d’un musée de la Présence française en Algérie, déclarant : « On va rendre hommage à ce que les Français ont fait là-bas. […] Ces imbéciles d’anticolonisateurs (sic), ces professeurs d’histoire, ne savent pas de quoi ils parlent. » Frêche, convaincu qu’à Montpellier « ce sont les rapatriés qui font les élections », poussa même la démagogie jusqu’à soutenir l’article de la loi de février 2005 – finalement recalée – reconnaissant « le rôle positif de la présence française en Algérie ». En 1973, pour obtenir sa première législature à l’Assemblée – alors qu’il obtient 23 % des voix au premier tour derrière le député RPR sortant René Couveinhes à 36 % –, Frêche n’avait pas hésité à rencontrer André Troise, le candidat du FN, qui avait fait 5 %, afin de trouver un arrangement pour siphonner le réservoir de voix des rapatriés : « J’ai rencontré une association de pieds-noirs antigaullistes qui ont appelé à voter pour moi. Des voix que j’ai acceptées, sans état d’âme », reconnaissait-il (à moitié) dans L’Express du 29 novembre 2004.

Mais la sensibilité « tatata-tata »ne se réduit pas à quelques potentats locaux. En 1982, Tonton fait voter l’amnistie totale des généraux putschistes d’Alger. Désir de concorde nationale ? Opportunisme électoral ? Si on considère la guerre d’Algérie comme un marqueur politique important, le geste a tout d’un cadeau à l’extrême droite revancharde et aux bons souvenirs de l’Organisation armée secrète (OAS). Mais cela s’inscrit dans une certaine cohérence de l’homme politique François Mitterrand, qui officiait en 1956 comme garde des Sceaux en pleine guerre d’Algérie. À l’époque, la détermination martiale de Mitterrand et du gouvernement Guy Mollet de contrer les revendications indépendantistes était nette et tranchante : « Sans l’Afrique du Nord, il n’y a pas de perspective historique pour la France », déclarait Mitterrand à L’Express, le 22 janvier 1954. Ce qui n’empêcha pas cette talentueuse girouette politique de refaire l’histoire de manière éhontée par la suite : « En 1954, j’appartenais à un petit groupe qui se trouvait à l’extrême pointe de l’expression politique en matière de décolonisation », déclarait-il en 1977. Dans ses souvenirs aléatoires, il se pensait sans doute aussi à l’extrême pointe de la lutte contre la peine de mort. Le communiste anticolonialiste algérois Fernand Iveton, guillotiné le 7 décembre 1957, en sait quelque chose. Mitterrand avait refusé de signer son recours en grâce… ainsi que celui de quarante-cinq indépendantistes algériens raccourcis pendant la période de son mandat. Net et tranchant.

Une Internationale réactionnaire

Soudain, vous vous prenez à imaginer une organisation de masse qui fasse la jonction des luttes des travailleurs et travailleuses à travers le monde ? Eh non, c’est pas pour cette fois ! À y regarder de plus près, l’Internationale socialiste (IS), cette organisation de liaison des partis sociaux-démocrates fondée en 1951, peut ressembler par certains aspects à un gang d’ennemis du peuple. Aux côtés de quelques prix Nobel de la paix, comme Nelson Mandela, on constate la présence dans l’IS de dirigeants dont la caution démocratique est plus que douteuse. Ainsi, on y trouvait le Rassemblement constitutionnel démocratique tunisien de Zine el-Abidine Ben Ali et le Parti national démocratique égyptien de Hosni Moubarak, jusqu’aux révolutions arabes de 2011, date à laquelle on décida de les juger infréquentables. Le Parti révolutionnaire institutionnel mexicain, responsable des massacres des étudiants de Tlatelolco en 1968 et de la guerra sucia contre les paysans du Guerrero dans les années 1970-1980 (600 « disparus »), est toujours membre de plein droit. Bien sûr, pour obtenir sa carte du club des « partis progressistes pour un monde plus juste », il faut en principe partager les valeurs de sa charte éthique, qui implique le respect des droits fondamentaux et du pluralisme. Cela n’empêche pas la présence de quelques partis peu partageurs du pouvoir, comme l’Union sociale-démocrate de Macédoine, le Parti révolutionnaire du peuple mongol ou le Frelimo au Mozambique1. En 2011, pour les soixante ans de l’IS, Ségolène Royal, alors vice-présidente, jura que les choses avaient changé : « On a enfin compris que le monde d’aujourd’hui ne pouvait plus être gouverné comme avant. » Soixante ans d’erreurs politiques, ce n’est rien, finalement, à l’échelle de l’histoire de l’humanité ! Merci pour le moment…


1 Lire Quentin Girard, « L’Internationale socialiste et ses amis dictateurs », slate.fr, 10 février 2011.

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