Édito : mortelle saison

« Rien ne va plus sur le marché du funéraire. Un hiver clément, un été doux, et voilà la mortalité qui recule de 4 % au cours des neuf premiers mois de l’année, provoquant une baisse significative du chiffre d’affaires », chroniquait Le Monde tout en cynisme acidulé le 1er novembre dernier. Pourtant, cet octobre rouge aura eu sa moisson de macchabées des deux côtés de la tranchée sociale. Tandis que ce « suceur de sang » de Margerie, PDG de Total, rejoignait la marbrerie funéraire lors d’un décollage raté à Moscou, le militant des fleurs Rémi Fraisse tombait face aux aménageurs de territoire. Deux cadavres disséqués par les légistes médiatiques, disputés par les clans politiques. À CQFD, vrai qu’on n’avait pas prévu le coup avec notre dossier « La mort qui tue ». Pour tout dire, la faucheuse, on la trouvait plutôt pâlotte dans l’hexagone, loin des carnages estudiantins mexicains, des victimes de fièvre hémorragique d’Afrique de l’Ouest ou des tripotées de bombardés au Moyen-Orient.

Hommage à Rémy Fraisse par L.L. de Mars.

On avait tort. L’ulcère était là qui grignotait. La bile noire jaillit de ce flanc qui jadis fut à gauche. « Mourir pour des idées, c’est une chose, mais c’est quand même relativement stupide et bête. » Auteur de cette homélie de cloaque  : Thierry Carcenac, président PS du Conseil général du Tarn, maître d’œuvre du barrage de Sivens. L’odieux Carcenac crache sur le cadavre encore chaud d’un jeune homme. Mais, lors du rassemblement du 25 octobre, qu’est-ce qui justifiait la présence d’un dispositif policier aussi belliqueux ? Protéger un groupe électrogène et un bout de terrain déboisé ? Avec l’opération César à Notre-Dame-des Landes, lors de la manifestation de Nantes du 22 février, ou à Sivens, cette stratégie policière agressive sert à maintenir la vision de l’ordre de potentats socialistes accrochés à leurs projets inutiles comme des vieilles moules à leur rocher. On savait que la gauche gouvernementale était le fondé de pouvoir de la bourgeoisie d’affaires, on ne s’étonnera pas qu’elle assure désormais aussi bien que la droite les basses œuvres de la police.

« Comme tous les crimes policiers dans les quartiers, constate le chercheur et militant Mathieu Rigouste, le meurtre de Rémi n’est pas une “bavure”, pas un dysfonctionnement, mais bien le produit de mécaniques instituées, de formations rationnelles, de tactiques et de stratégies légitimées et justifiées du haut de l’appareil d’État jusque dans les gestes des exécutants policiers, c’est un meurtre d’État, prémédité par la mise en œuvre des structures qui l’ont rendu possible, un assassinat ».

Rien ne sert, donc, d’attendre l’éventuelle condamnation d’un lampiste sécuritaire, ou la démission hautement improbable d’un ministre. Il ne nous reste qu’à étendre les Zones à défendre et aussi celles d’attaque.

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