Édito du 86

Tous ! En quelques jours, ils sont tous devenus révolutionnaires. Et tous – les vaillants résistants de la vingt-cinquième heure, les journalistes couchés, les hommes et femmes politiques qui n’ont de cesse de vomir, ici, sur les réfractaires, les grévistes et les énervés qui n’entrent pas dans les cases du bonheur démocratique et occidental –, tous applaudissent les peuples tunisien et égyptien.

Mais ici, est-ce fondamentalement différent de chez Ben Ali ou Moubarak ? Ne sommes-nous pas gouvernés par une oligarchie ? La presse est-elle indépendante des marchands d’armes et de béton acoquinés au pouvoir ? La police est-elle douce et prévenante ? Et les manifestations ne sont-elles pas réduites à de soporifiques comptages et recomptages de moutons ?

Billevesées gauchistes que tout cela ! Ici, il n’y a pas de dictateur mégalo, puisque le pouvoir est partagé entre ceux qui détiennent l’argent et leurs multiples sociétés écran. Quant aux précaires, aux harcelés du boulot et autres galériens, leur « malvie » ne peut être que le résultat d’un coupable manque d’ambition. Incommensurable différence. Et puis surtout, dans ces pays chauds, il fait sec et il y a du sable partout, contrairement à nos riantes contrées, grosses productrices de produits gras. Allons, allons, vous voyez bien que ça n’a rien à voir !

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