L’édito du 186

Deux virus pour le prix d’un

Quand Macron promet que plus rien ne sera comme avant, on serait bien naïfs de croire que l’humain va enfin passer avant le fric...

Une grippette, qu’on disait… Et voilà la moitié de l’humanité confinée. Comme la peste noire le fut au XIVe siècle, la pandémie de Covid-19 est devenue en quelques semaines le fléau universel du monde globalisé. De même qu’en 1720 la peste entrait dans Marseille à cause de la cupidité d’un armateur s’étant affranchi de la quarantaine, le coronavirus a voyagé grâce à l’hyper-mobilité de la « mondialisation heureuse ». Résultat : des millions d’êtres humains habitués à gagner leur croûte au jour le jour se retrouvent coincés chez eux et, pour les moins bien lotis, à se nourrir de regardelles 1.

Un peu partout, la désinvolture des gouvernants est aggravée par l’état ruineux dans lequel l’austérité et les privatisations ont plongé la santé publique. Une fois de plus, et à l’échelon planétaire, le roi néolibéral est en slip, exposé aux yeux de tous dans sa grande misère morale. Et ses appétits de brute en bandoulière, toujours.

Leurs remèdes leur ressemblent trop pour être honnêtes. Quand Macron martèle que « nous sommes en guerre », on se met à la place des éborgnés, des méprisés, des dégraissés. Oui, connard, tu es en guerre contre nous depuis bientôt trois ans. Le confinement de masse – rendu encore plus inévitable par la pénurie de tests, de matériel, de lits, de personnel soignant – deviendrait presque une aubaine. Waow, mieux que le 49-3 ! J’assigne à résidence le pays tout entier. Pareil qu’en Chine, des drones aboient au-dessus des passants : « Rentrez chez vous ! »

Le remède risque de tuer le patient. C’est plus fort qu’eux – et l’imprévision les y contraint sans doute –, ils ont choisi de distribuer des amendes plutôt que des masques. Ils ont choisi l’état d’exception contre les solidarités sociales, la grande distribution contre les marchés de rue, Amazon contre les boutiques de quartier, les dividendes contre la sécurité des travailleurs. Comme par hasard, tous ces choix vont dans le sens de l’hyper-concentration du capital. Combien de « petits » ne s’en relèveront pas ? Demain, le paysage pourrait en être profondément changé.

Lors de la crise de 2008, Sarkozy jurait que la dictature de la finance c’était fini – juste avant de renflouer les banques à coups de milliards. Quand Macron promet que plus rien ne sera comme avant, on serait bien naïfs de croire que l’humain va enfin passer avant le fric. En fait, plus rien ne sera comme avant parce qu’en application de la stratégie du choc, ces sociopathes vont profiter de l’état de sidération et d’épuisement pour radicaliser le processus de dépossession en cours. Un Facebookeur dénommé Ramous le dit dans une salutaire diatribe filmée-postée-tout-seul-dans-sa-caisse en pointant du doigt les Macroniens microbiens : « Y a le coronavirus et y a vous ! »

Les avions cloués au sol et tout le pouvoir rendu aux oiseaux, voilà une belle fenêtre ouverte sur des lendemains qui chantent. Mais ne nous berçons pas d’illusions. Sans résistances décisives, la France d’après ressemblera plus à la Grèce post-2008 qu’à un pays de Cocagne. Alors prenons des forces, parce que le jour où nous sortirons à l’air libre avec en tête une folle envie d’embrassades et de fêtes de rue, il faudra en même temps être prêts à livrer bataille.

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Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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1 À Marseille, « manger des regardelles », c’est regarder les autres manger.

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