Dossier « Un peu de l’âme des bistrots »
Complètement de guinguois !
Au milieu des collines et des vignes du nord de l’Aveyron, le centre de Marcillac offre une petite place désertée par les cafés et commerces, partis s’installer le long de la route. Tous, sauf Le Guingois. Sous le grand tilleul qui trône face à l’église, derrière les volets rouillés et la porte défraîchie, une enseigne faite de tuyaux en PVC, de bouteilles de verre et de bouts de ficelle, annonce la couleur.
C’est là qu’une bande d’allumés ont installé un café associatif. Cette baraque de trois étages, remise à neuf, abrite désormais les réunions de ce vallon qui s’agite dans l’écologie politique, le soutien aux immigrés, la culture populaire, les luttes syndicales et les activités associatives. Lieu convivial et base politique à la fois. Des tablées bruyantes lors des bouffes incontournables, chaque dimanche, pour un menu aux petits oignons, entrée-plat-dessert à six euros s’il vous plaît. Des concert de punk, tzigane, fanfares et rock en tous genres à prix libre. Des projections, des débats, un atelier sérigraphie-photo à l’étage. À côté des réunions politiques de toutes sortes (ZAD, état d’urgence, rencards d’avant manifs), se tiennent des « apéros nanas » ou des répétitions de la chorale des Chaberts, le mardi, lorsque résonne « La Libertat ».
Cette auberge de travers n’est pas simple à décrire, et chacun aurait sa version perso, entre foyer autogéré et café culturel. L’équipe qui anime le lieu comme la fréquentation est de tous les âges et de tous horizons : soixante-huitards, nouveaux arrivants, punks, musicos, écolos, anars, syndicalistes, néo et pas néo, artisans, salariés, chômeurs, paysans. Il y a de tout et c’est ce qu’on aime. Bien sûr, toute une partie de la population locale ne vient jamais, bien sûr, on a bataillé avec des voisins. Une lettre anonyme, hilarante, sollicitait notre déménagement dans une cabane au milieu des champs. Les gendarmes se sont pointés, souvent, et la préfecture s’y est mise, avec un courrier de pression envoyée à la mairesse. La motivation aussi a eu des hauts et des bas, il a fallu battre le rappel de temps à autre.
Mais, il y a là comme une pépite collective, quelque chose à défendre, la croyance que ce Guingois vivra, et longtemps. On goûtera encore de nombreux repas en soutien à Mômes au chaud, qui héberge des sans-papiers, à l’Amassada, qui lutte contre les éoliennes industrielles, à l’Empaillé ou à des projets collectifs. On sera à nouveau attablés, l’été en terrasse, l’hiver autour du poêle, avec une part de tarte vegan et un pichet de marcillac, à chanter la semaine sanglante. On espère accueillir pour de nombreuses années « Ocytocine », le festival féministe qui remue le vallon. L’Envolée, CQFD, Jeff Klak, La Brique ou Saxifrage tiendront toujours l’affiche de « l’Infokiosque ambulant », qui n’a plus bougé depuis un bail.
Comme Le Lieu-dit à Saint-Affrique dans le sud du département, ou Les Hauts-Parleurs de l’ouest à Villefranche-de-Rouergue, ces troquets de cambrousse sont devenus indispensables.. et incontournables. Car c’est là où on se rassemble, où on débat, on coalise, on fomente. Autant de repaires qui servent de repères où on se serre les coudes, où on cause coups de main et chantiers communs, bons plans en tous genres, où on imagine le prochain projet collectif, où on accueille les derniers apaches arrivés… Passez lever le coude avec nous pour fêter nos cinq ans, le chiotte fuit encore mais la bière du « Faucheur » est toujours au frigo !
Cet article a été publié dans
CQFD n°148 (novembre 2016)
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Paru dans CQFD n°148 (novembre 2016)
Dans la rubrique Le dossier
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Mis en ligne le 13.07.2019
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