Ce beau braquage de CE

par Efix

L’histoire que je vais vous raconter aujourd’hui est un peu de la tambouille interne, mais je pense qu’elle mérite d’être connue.

Les élections professionnelles ont lieu dans chaque entreprise tous les deux, trois ou quatre ans, selon les accords. Il s’agit d’élire les délégués du personnel et les représentants au comité d’établissement (CE). Le CE est prisé des syndicalistes car le job ne se limite pas à l’organisation des colonies de vacances : il donne des moyens et pas mal d’heures de délégation pour militer sur le temps de travail.

À l’usine, la CFDT a perdu le CE il y a dix-huit ans, à cause de militants indélicats qui l’utilisaient à leur avantage (vacances gratuites, magouilles financières). Depuis lors, c’est la CGT qui gère les affaires. Bon, sans faire de la retape pour mon syndicat, on y compte des militants bien investis et assez radicaux. Les directeurs précédents ont fait avec mais, cette fois, la nouvelle équipe est particulièrement anti-rouge, et elle ne veut plus de la CGT.

En septembre 2010, après avoir revu à la baisse le nombre d’heures de délégation, la direction des ressources humaines (DRH) a proposé un nouvel accord électoral comportant une redéfinition des quotas et du nombre d’élus.

Avec ce nouveau calcul, la CGT allait perdre des sièges, et devenir minoritaire. Nous avons dénoncé cet accord et fait intervenir un inspecteur du travail qui, au bout de six mois de procédures, nous a en partie donné raison.

Les élections se sont déroulées début avril dans une ambiance assez lourde. Résultat des courses : la CGT y laisse quelques plumes mais reste majoritaire, avec 52 % des voix et trois élus, la CFDT compte deux élus et la CGC un seul.

Sauf que, malgré ces résultats, la CFDT a revendiqué la gestion du CE ! Ce syndicat est composé de contremaîtres, de chefs d’équipe et autres « pousse-cul » qui en ont plus qu’assez de voir le CE aux mains de prolos. Depuis dix-huit ans, ils se targuent d’être de meilleurs gestionnaires. Reste à savoir les choix qui seront faits, et en faveur de qui…

Pour reprendre son fief perdu, la CFDT s’est alliée avec la CGC afin d’égaliser à trois élus partout. Il aurait fallu que le directeur de la boîte vote pour la CFDT afin que celle-ci l’emporte, mais c’était un peu trop voyant. Le syndicat de François Chérèque a donc trouvé la faille : en cas d’égalité, c’est le plus vieux qui est élu. Il a donc présenté un candidat de quelques mois plus âgé que tous les élus CGT. Fallait y penser…

Dans les ateliers, la plupart des salariés rouspètent d’être mis devant le fait accompli. Nombreux sont ceux qui se sentent trahis, comme si on avait volé leur vote. D’autant que celui qui a décroché le poste de secrétaire du CE a une réputation d’arriviste, de mec qui a grimpé les échelons sur le dos des autres. De plus, son vrai boulot est de restructurer la boîte pour la direction.

Ça laisse rêveur pour la suite. Et l’on sait que son « challenge », avant ces élections, était de récupérer les locaux du CE (assez grands, j’en conviens) pour le service formation de l’usine. Parmi les prolos (où la CGT reste archi-majoritaire), les militants CFDT passent en général pour être cul et chemise avec la direction de l’usine : ils mangent ensemble à la cantine, s’appellent par leurs prénoms même en réunion… Et le jour des élections, la DRH a passé son temps avec les militants cédétistes.

On sait également quelles sont les mesures prises lorsque la CFDT reprend un CE à la CGT. Les copains de Renault-Cléon l’ont subi : attribution de chèques vacances sans tenir compte des revenus, abandon des aides sociales, propositions de voyages et de vacances correspondant aux critères des cadres (Club Med plutôt que villages de vacances), etc. Aux salariés de ne pas se laisser faire. Quant aux militants CGT qui donnaient beaucoup de leur temps pour les activités sociales, ils vont de nouveau faire du syndicalisme, et ce n’est sans doute pas plus mal.

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