Brèves du 108

« Exception culturelle » > Le nouveau président du Mexique, Peña Nieto, en avait fait la demande lors de son passage en Europe, en octobre 2012. Une délégation de la gendarmerie française va être envoyée à Mexico pour apporter cette « french touch » si appréciée à travers le monde depuis la guerre d’Algérie et la diffusion du livre de référence du colonel Trinquier sur « la guerre subversive », où sont compilées les techniques de torture et de terreur exercées sur les populations. Si Peña Nieto veut faire mieux que son prédécesseur – 40 000 morts dans la guerre contre les cartels de la drogue –, il aura bien besoin de cette expertise. La pauvre Alliot-Marie, qui eut quelques soucis après avoir proposé les mêmes services à Ben Ali, doit se sentir bien seule.

« Irradiante transparence » > Le 21 janvier, un wagon parti du site nucléaire de Tricastin et roulant vers la Hollande a déraillé en gare de Saint-Rambert d’Albon (Drôme). Aréva a aussitôt diffusé un message automatique minimisant cette sortie de voie d’une charge de plusieurs tonnes d’uranium appauvri. Utilisé pour fabriquer le combustible Mox, dont les habitants de Fukushima ont entendu parler, ce produit à la fois radiologique et chimique est aussi un composant des obus tirés durant les guerres en Irak, en ex-Yougoslavie et en Libye. Dispersé dans l’atmosphère et pénétrant les sols, il serait responsable de malformations congénitales et autres leucémies. Et ceci pour quelques milliards d’années : une radieuse éternité qui rend le bref incident du 21 janvier somme toute assez dérisoire.

« Coup du sort » > En ce 11 janvier, lancée à grande vitesse dans une rue de Marseille, une voiture de police déboule sur le trottoir et percute une barrière qui, sous le choc, coupe un réverbère en deux qui, à son tour, chute sur une passante. Alors que la femme, gravement blessée, est emmenée à l’hôpital, les policiers – qui n’étaient pas en intervention – restent impassibles. L’affaire aurait pu en rester là si, par malchance, la victime n’avait été blanche et aisée, et que son amie, témoin de la scène, n’avait été avocate. Pour l’heure, le brigadier a été mis en examen et l’IGPN devra expliquer pourquoi le test d’alcoolémie, qui s’est révélé positif, n’a été réalisé que trois heures après les faits. Une haleine chargée qui sent bon la réprimande…

« Hommage » > « Suicide ou assassinat politique ? » Telle est la question posée par l’assemblée populaire d’Aigalaio, en banlieue sud d’Athènes, dans un texte publié en hommage à Vaggelis Stamoulias. L’homme était l’un des initiateurs des luttes dans son quartier contre les coupures d’électricité pour factures impayées. Cet électricien de profession était connu pour avoir rétabli le courant de nombreux foyers. Le 29 janvier, à l’âge de 33 ans, il a mis fin à ses jours. Le 2 février 2011, il avait été arrêté au hasard, dans le brouillard des lacrymos, lors d’une grève générale. « Cette arrestation et le procès qui allait venir alimentaient ses angoisses », précise le texte. La réponse est bien dans la question.

« Premier de la classe » > Selon le Pentagone, il avait abattu 160 Irakiens entre 1999 et 2009. Chris Kyle, 38 ans, ancien sniper de l’armée américaine, revendiquait, lui, 255 cartons. Ce brave homme, qui qualifiait les Irakiens de « sauvages qui n’hésitent pas à envoyer des femmes et des enfants faire le sale boulot » et proclamait que « là-bas, en Irak, je voulais que tout le monde sache que je suis chrétien, et un féroce guerrier de Dieu », se consacrait depuis son retour à la vie civile à une fondation pour anciens combattants atteints de syndromes post-traumatiques. Parallèlement, il avait monté une société spécialisée dans la formation de snipers… En ce 2 février, au Texas, lors d’un gala de charité, un vétéran âgé de 25 ans a abattu Kyle de plusieurs balles. Prévention thérapeutique ?

« Jumelage » > Le 9 février, des manifestants anti-Morsi ont déployé sur la place Tahrir, au Caire, une vaste banderole pour affirmer leur soutien aux multiples réactions anti-islamistes qui se sont amplifiées en Tunisie depuis l’exécution du leader politique Chokri Belaïd. Voilà de véritables échanges culturels qui ne demandent qu’à se répandre planétairement.

« Effet kiss cool » > La société anglaise Selectamark, spécialisée dans le marquage des biens, a présenté son nouveau bébé, le Selecta DNA High Velocity System, dans un salon spécialisé de Las Vegas. L’arme – pistolet ou fusil – permettra à la police de « marquer » à distance un suspect avec une capsule contenant un gramme d’ADN synthétique unique. Calibré pour les manifs jugées trop débordantes, le mouchard biologique est censé durer plusieurs semaines, de quoi permettre une arrestation ultérieure. Le PDG de Selectamark garantit l’irréfutabilité de la preuve apportée par son joujou. Sans doute inspiré par la couleur verte de la capsule, un internaute a laissé ce commentaire : « Et si on se la prend dans la bouche, est-ce qu’elle rafraîchit aussi l’haleine ? »

« Victimes de la mode » > Dans ton tee-shirt ? Du diméthylfumarate. Dans tes chaussettes ? Du formaldéhyde. Dans ton sweet en gore-tex ? Des fibres téflon. Et dans ton soutif… Des colorants azoïques ! Une étude de l’agence d’information Basta ! affirme que « les 80 milliards de vêtements fabriqués dans le monde chaque année regorgent de produits chimiques. » Premiers à faire les frais d’une exposition à ces perturbateurs endocriniens, métaux lourds et autres nano-matériaux : les travailleurs du textile en Asie, où les taux de cancer s’envolent. De plus, outre leur impact sanitaire, ces joyeusetés finissent souvent leur course polluante dans les écosystèmes. Vivement le réchauffement promis par l’effet de serre, qu’on renoue avec le nudisme de nos ancêtres !

« Dialogue social » > Le 11 janvier 2013 était signé l’accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l’emploi. Objectif schizophrénique de l’affaire : sécuriser et flexibiliser l’emploi au nom de la lutte contre le chômage. Côté salariés, les avancées ne sont même pas dignes d’un enfumage socialiste : taxation partielle des CDD, extension de la complémentaire santé et du droit à la formation. Pour le patronat : dispositif « maintien dans l’emploi » permettant baisse de salaires ou augmentation du temps de travail et fluidification des procédures de licenciement économique… À la tête du Medef, Parisot-la-bonne-soupe a vu dans ce texte « parfaitement équilibré » une « avancée historique ». Si c’est elle qui le dit !

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