Bon et méditatif

Je sais pas toi, mais moi, en ce moment, j’entends, dans la gauche de la gauche, des trucs qui me foutent carrément les winnies.

Du style (je synthétise ici un certain nombre de remarques qui m’ont été récemment faites) : « Moi, c’est pas pour défendre les vaillants éditocrates souchesques qui bouffent des mahométan(e)s à tous les petits déjeuners, hein, mais j’en ai quand même un peu ras le cul, de tous ces barbus. » Ou : « Et d’ailleurs, est-ce que t’as vu comment que les islamistes sont odieux à Le Caire – bien fait pour leur gueule que l’armée les garrotte dans ses caves ? » Ou : « Et d’ailleurs, tu devrais venir voir à Stalineville-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) comment que c’est devenu Kandahar, c’est flippant, putain. » Ou (mon préféré, je crois) : « Puis d’abord, nous qu’on est de la gauche de la gauche, devons-nous pas militer d’abord pour raser tout ce qui pourrait de près ou de loin ressembler à une église ou une mosquée ou une synagogue ? »

Qu’avons-nous là ? Nous avons là une régurgitation de l’argumentaire complet (au mot près, ou presque) de l’islamophobie mainstream, telle qu’elle s’exhibe au quotidien dans la presse comme il faut – avec double ration d’amalgames (entre musulmans et bubars), de clichetons (sur la banlieue nid de djihadistes), etc. À ceci près, naturellement, que cette récitation est planquée là derrière le confortable bouffage de curés où la gauche de la gauche aime certaines fois se replier pour s’épargner de trop réfléchir à la réalité concrète de certaines haines dégueulasses – houuu là, mais attends, est-ce que tu serais pas un(e) suppôt(e) des benladistes, à tant t’offusquer de ce qu’on profane des mosquées ?

Est-ce que ça m’a énervé ? Mais grave, putain.

Est-ce que ça me rappelle quelque chose ? Voui, da : ça me rappelle les tortillements de cul de la presse comme il faut, après que Clément Méric a été tué par des fafs – quand tous ces journaleux à deux balles, tu sais, ont commencé à braire que oui, c’est vrai, c’est pas bien de tuer des gens, mais après tout est-ce que l’extrême gauche n’a pas aussi produit Joseph Staline, qui n’était pas très recommandable ? Et devrions-nous dès lors pas tempérer notre émotion, et rappeler que le défunt avait quelque chose en lui de Lavrenti Beria, et nous consacrer finalement, plutôt qu’à l’éradication du fascisme, à un plus juste combat pour plus de gentillesse dans le monde ?

Allez zou, que l’été te soit bon et méditatif.

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