Internet

Actastrophe

Dix ans que les lobbies politico-industriels américains et japonais travaillent très discrètement pour imposer l’Anti-Counterfeiting Trade Agreement (Acta).

Cet accord commercial international, disposant de son propre organisme de gouvernance, est destiné à s’attaquer « à l’augmentation dans le commerce international des contrefaçons et des produits sous copyright piratés ». En clair, accroître le contrôle des États sur ce qui échappe encore à leur emprise. Il aura fallu moins d’une année de travail pour que d’influents technocrates canadiens, européens et suisses se joignent à ce projet, puis encore un an pour que ceux d’Australie, du Mexique, du Maroc, de la Nouvelle-Zélande, de la Corée et de Singapour intègrent la conspiration. Avançant masqué comme défenseur des femmes et des enfants mis au travail forcé par d’avides contrefacteurs de produits occidentaux, ce cabinet noir de décideurs apparaît en pleine lumière grâce aux révélations de Wikileaks en 2008. Les cibles de ce nouvel arsenal juridique sont, en fait, autrement plus diversifiées que les valises de touristes chargées de contrefaçons : les producteurs de médicaments génériques qui, à des prix défiant les tarifs occidentaux, permettent à des pauvres du Sud de se soigner ; et les internautes, dorénavant tous désignés comme potentiellement « pirates », puisque leurs activités consistent à se communiquer documents et informations. Cette dernière situation devant d’ailleurs être corrigée grâce à la complaisance délatrice des fournisseurs d’accès vis-à-vis des autorités.

Au grand dam de celles-ci, une pétition d’un million de personnes, dénonçant le caractère liberticide et non démocratique d’un tel projet, est adressée aux instances européennes dès 2008. Nombreux sont les pétitionnaires qui voient dans cet accord international l’intention des États de contrôler Internet, un outil qui a montré quelque efficacité, notamment lors des soulèvements dans les pays arabes. Depuis lors, les ripostes n’ont cessé de se manifester à travers une multitude d’actions, de manifestations et d’interventions sur la toile. Le 26 janvier, c’est au Parlement européen que les velléités policières des technocrates européens vont se prendre une claque, malgré l’acquiescement de vingt-deux pays de l’Union. Le rapporteur de la Commission devant les députés de Strasbourg démissionne, accusant de mensonges les concepteurs de l’accord. Le 2 février, Helena Drnovsek Zorko, mandatée par le gouvernement slovène, déclare regretter son paraphe validant l’Acta. En Pologne, alors que des manifestations rassemblent des milliers de participants, le Premier ministre Donald Tusk décide, le 3 février, de ne pas ratifier l’accord. Le 6 février, c’est au tour du gouvernement tchèque de se désolidariser de ces manœuvres technocratiques. Victoire d’une pression populaire ou résistance de ces ateliers à bas prix que sont pour l’Europe certains pays orientaux ? Et tous azimuts, dans la suite de ces offensives juridiques contre les échanges sur Internet et la fermeture de Mégaupload le 19 janvier, les fiers Anonymous débordent d’imagination pour mener des coups, provoquant dérision et inquiétude, contre une multitude de sites officiels, de banques ou de collabos. Le 28 janvier, les identités complètes de 541 flics français sont mises en ligne provoquant l’indignation des syndicats et des autorités.

Ne devraient-ils point pourtant s’incliner devant un tel souci de transparence, eux qui sont si prompts à vouloir ficher l’ensemble des « honnêtes gens » ?

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