2012, l’espoir

Enfin, une certitude est acquise. Finies les oscillations cyclothymiques entre le vengeur « ça va péter » et le fatalisme éreintant de ces temps moisis. On se demandait quand estce que ça allait cesser, on pariait, on pronostiquait. Ter-mi-né. Maintenant, on sait. L’éclatante et grandissime victoire de la gauche aux élections régionales aura eu l’effet d’un écouvillon débouchant, d’un coup, l’obscurité dans laquelle crapotaient les esprits. C’est en 2012 que tout va se jouer. D’ici là, y a qu’à attendre. Mais cette fois, la patience requise n’exige pas la seule passivité. Elle se veut tension, prête à verser dans l’enthousiasme des temps nouveaux. Déjà s’excitent en tout sens les Strauss-Bry, Sarkospin, Copkahn, Roysky, Raffarbendit, Juppen, Bayrius. Qui de l’un et de l’autre va prendre le dessus dans la fosse boueuse de la politique pour empoigner les manettes du pouvoir ? L’acquitté de Clearstream nous mitonne un nouveau parti « libre et indépendant », manière de dire qu’il aurait pu faire le contraire. Dame Martine s’engage, sympa, pour une « société du bien-être ». On a eu chaud ! Le bordelais frelaté se débouchonne. L’écologiste néo-libéral trépigne. Les députés grommellent. Les sénateurs s’éveillent. Un véritable tsunami dans la bassine de ce mondillo politique dont la grande majorité se fout, même les jours d’élections.

Pourtant, les coups de pilon des médias devraient quand même arriver à mater l’indifférence. En 2012, ça va changer. On va passer à gauche. Non, à droite ! Non, à gauche. Passionnant, hein ? Tout semble converger, astres compris, pour que cette douzième année du deuxième millénaire rassemble, enfin, extase mystique et liesse populaire. Élection d’un président de gauche, redémarrage des ventes de Boeing, jeux Olympiques à Londres, accès pour tous à l’ADSL, éjection du Sarkonain, agriculture biologique sur 6% des surfaces cultivables, achèvement du nouveau collège de Vitry-le-François, équipement d’un nouveau système de freinage sur les voitures de Général Motors, l’OM champion d’Europe… Et dire qu’en d’autres siècles l’arrivée de temps nouveaux relevait du domaine des controverses théologiques et scolastiques. Si ce n’est pas un vrai progrès, ça !

D’ici là, il va falloir se passionner mais rester sage comme les images dont on nous abreuve. Les prolos, vous allez vous calmer avec vos histoires de grèves n’importe quoi et cette envie qui vous prend parfois de faire exploser votre usine – le cas échéant, vos syndicats n’hésiteront pas à appeler à une « journée d’action » toute en détermination. Chômeurs, radiés et miséreux, patience ! Dans deux ans, votre bulletin de vote vous permettra de dire ouvertement et sans mâcher vos mots ce que vous pensez du sort qu’on vous fait subir. Licenciés de tous bords, honneur à vous qui serez les derniers à supporter les plans sociaux imposés par une droite dure et décomplexée. Vous en aurez des choses à raconter à vos petitsenfants ! Jeunes des quartiers, subissez avec tendresse ces derniers contrôles auxquels vous soumet cette police de droite. Bientôt, elle sera de gauche. Sans-papiers expulsés, refaitesvous une santé au bled avant de revenir, d’ici deux ans, dans un pays libéré de ses Besson et Hortefeuer, et qui aura renoué avec sa légendaire tradition d’accueil.

Seul problème, l’avènement des temps nouveaux risque d’être de courte durée : juste quelques mois de bacchanales extatiques avant la fin du monde annoncée par les compañeros mayas pour le 21 décembre 2012. Ça aura été bref, mais intense.

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