Vincent, cantinier de première classe

Brigade marseillaise

Par Baptiste Alchourroun.

« Débarqué de ma Belgique natale en 2016, je me suis très vite impliqué dans diverses initiatives de cantine phocéenne. Mon parcours n’a rien à voir avec le déroulé si français d’un menu gastronomique traditionnel. Ou l’inverse. De jeune squatteur un peu toto impliqué dans des actions contre Monsanto et ses OGM, je suis passé à apprenti-cuistot dans une grande école hôtelière à Bruxelles. Ensuite, j’ai eu quelques contrats dans des établissements étoilés, un en particulier, dans le Massif central, où j’ai appris à confectionner des sauces avec les plantes aromatiques du cru. Délicieux.

Puis, en intérim, j’ai atterri dans les cuisines d’un très gros traiteur belge aux petits soins de la haute société. Soumis à une discipline de fer avec une centaine d’autres salariés dans des locaux réfrigérés immenses, 14 heures par jour, j’ai tenu quand même huit ans avant de claquer la porte. À Marseille, j’ai traîné un peu dans les cantines associatives – l’une d’entre elles m’a même signé un contrat aidé. Mais rien à faire, la seule éventualité d’un retour au rapport salarial me donnait envie de partir en courant. De fait, j’ai laissé tomber dès le premier jour de boulot.

Au printemps, j’ai renoué avec mon passé militant pendant les manifestations contre la loi Travail. Pris dans les filets de la répression, j’ai bénéficié des caisses de solidarité alimentées notamment par les recettes issues de cantines collectives. Dès lors, il m’a semblé normal de renvoyer l’ascenseur en donnant la main à ce genre de pratiques. Au @|LIEN7027622|W0RhciBMYW1pZmEtPmh0dHBzOi8vZGFybGFtaWZhLm9yZy9d|@, j’ai participé à la cantine du mardi, qui sert justement à payer les frais de justice pour ceux qui ont un procès en cours. Mais aussi à soutenir les migrants, les familles dans la dèche. Les légumes sont fournis par un pote, maraîcher à Pertuis, qui occupe un terrain en zone inondable et travaille en permaculture. Il approvisionne les cuisines de restaurants gastronomiques marseillais et, contre un coup de main, les cantines collectives. C’est un chouette échange de bons procédés : pour les ruraux, ça fait du bien de voir des nouvelles têtes et d’avoir des infos fraîches du front, et pour les urbains, c’est l’occasion de prendre un bon bol d’air.

Depuis quelques mois, avec quatre ou cinq personnes, on a récupéré pour mille euros une ancienne cantine de campagne de l’armée française. C’est une machine de près d’une tonne, montée sur des roues de tracteur et tirée par camion, capable d’emprunter les sentiers les moins carrossables, de traverser des cours d’eau. Elle possède deux fours gigantesques, une table de cuisson d’un mètre soixante sur un mètre et des étuves de 120 litres. Après l’avoir testée lors d’une grande fête, on l’a sortie pour le final du festival L’Or de la Plaine, le 18 juin dernier. On a fait à manger pour le grand banquet révolutionnaire final : 200 convives déguisés en communards, servis à l’assiette avec entrée, plat, dessert. Pour l’occasion, on m’a demandé de me fendre d’un petit discours. J’ai fait dans le binaire. D’un côté, Eugène Varlin, fondateur en 1867 de la coopérative de consommation La Ménagère et du restaurant coopératif La Marmite, qui voulait “offrir des denrées saines et bon marché au plus grand nombre”. De l’autre, Georges Auguste Escoffier, chef cuisinier du maréchal Mac Mahon, un des commandants de la troupe des massacreurs versaillais, qui appelait “communards” tous les sans-grade turbinant à son service.

Notre idée de cantine est celle d’un lieu commun comme étant la plus belle chose au monde. En ce moment, nous cherchons à nouer des contacts avec des camarades berlinois qui savent souder l’inox. Objectif : fabriquer des grandes casseroles de 100 litres à prix coûtant. »

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