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[|Cet article a été publié originellement dans le n° 156 de CQFD (juillet-août 2017). Depuis, nous avons appris la mort de Serge Livrozet, survenue mardi 29 novembre 2022.|]
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Qu’importe, il fait ses classes à la centrale de Melun de 1968 à 1972 (il a été condamné pour « atteinte à la propriété »). En prison, il revendique et naît à sa propre existence. À sa sortie, il rencontre Michel Foucault, fonde avec lui le Comité d’action des prisonniers (CAP), fonce sur les plateaux télé, parle à haute voix, s’exprime comme un tribun populaire. Le journal du CAP tire à 50 000 exemplaires. Il faut venir à 120 pour le vendre devant Fresnes, tant il est honni du pouvoir. Livrozet écrit, devient éditeur, montre avec fierté ses livres à sa mère. En 1974, convoqué comme témoin de la défense d’un détenu, il s’indigne d’une peine excessive. Et lâche en plein tribunal : « Pourriture de justice française ! » À son procès, à Colmar, il semble revenir sur ses propos. « Comment ? », s’étonne le juge. « Oui, pérore Livrozet, j’aurais dû dire : “Pourriture de toutes les justices !” » La salle est avec lui. Elle hurle de rire. Il exulte, fier comme Artaban. Se tourne vers le public et le harangue. Verdict : 1 400 francs d’amende – ça valait le coup. Une défense de rupture.
Nicolas Drolc, qui a fait revivre la révolte des détenus de la maison d’arrêt Charles III de Nancy en janvier 1972 [1], est tombé sur le charme de la vieille bête. Dans La mort se mérite – digressions avec Serge Livrozet [2], il le filme en noir et blanc, comme un fils aux derniers jours du vieux. Il l’accompagne à la boucherie, à la fromagerie, l’enregistre gueulant contre les automobilistes. Il n’est pas toujours très fin, le vieux Niçois. Mais vit aujourd’hui comme un chat sur la Côte d’Azur sans se soucier de l’heure. Il préconise l’ail comme remède à cette vie qu’il n’a pas voulue.
[/Christophe Goby/]