Caméra embarquée aux Lentillères
Une île à Dijon
De drôles de bateaux errent sur des mers imprévisibles, des océans de papier et de tempêtes, sur des eaux pleines de dauphins et de voitures de condés. À bord, les passager·es s’expriment en polonais, anglais, turc ou arabe, et emportent à leurs côtés des valises, des histoires, des rêves et des cauchemars. En mer depuis longtemps, épuisé·es, perdu·es entre leurs souvenirs et leurs espoirs. D’autres naviguent avec leurs guitares sous le bras, en quête de fonds où jeter l’ancre. Enfin, la terre ! Une île verte, à la végétation luxuriante et pleine de vie, véritable réserve de biodiversité où se croisent et s’affairent des joueuses de trompette, des jardiniers, des cyclistes, des plongeurs palmés et des cuistots masqués en tenues bariolées. Au milieu des arbres apparaissent des cabanes et d’autres bateaux, des pies et des abeilles, de petites caravanes et de curieuses constructions. À peine débarqué·es, les yeux grands ouverts, on les embarque aussitôt dans une danse.
Cette île de pirates à l’ombre d’immenses buildings ternes, c’est une vision symbolique, mais pas si éloignée, du Quartier libre des Lentillères : neuf hectares de terres agricoles en plein cœur de Dijon, squattés depuis 14 ans malgré la voracité des promoteurs immobiliers1. Un refuge pour tous les imaginaires et un bastion merveilleux. Un espace de lutte et d’émancipation, au cinéma comme dans la vraie vie, qui résiste à l’assaut de terrifiants paquebots au cinéma. En une heure quarante de pellicule argentique en 16 mm, Une île et une nuit nous raconte par la fiction un lieu de lutte, de fête, de maraîchage et de solidarité. Un lieu autogéré où vivent aujourd’hui entre 70 et 100 personnes et où s’invente une autre façon d’être au monde. Les membres du collectif ont trouvé le moyen de mettre en image le bouillonnement des lieux qu’ils habitent. Grâce à d’ingénieuses trouvailles, des effets spéciaux maison et des bricolages qui ravivent la magie du cinéma, cette île devient le reflet des imaginaires de ses habitant·es et usager·es. Construisant une œuvre où l’on se perd, des étoiles plein les yeux, emporté·es par une bande-son du tonnerre et l’envie de hisser les voiles pour rejoindre cette terre refuge. Même si la menace des tractopelles pèse à nouveau sur le quartier depuis le début de l’année, les cinéastes et habitant·es des Lentillères le prouvent encore : la flamme de la rébellion et de l’autonomie brûle toujours.
Pour plus d’information sur les dates de projection du film : piratesdeslentilleres.net.
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Cet article a été publié dans
CQFD n°230 (mai 2024)
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Paru dans CQFD n°230 (mai 2024)
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Mis en ligne le 24.05.2024
Dans CQFD n°230 (mai 2024)
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