Sur la Sellette - Chroniques judiciaires

Pas de difficulté

En comparution immédiate, on traite à la chaîne la petite délinquance urbaine, on entend souvent les mots « vol » et « stupéfiants », on ne parle pas toujours français et on finit la plupart du temps en prison. Une justice expéditive dont cette chronique livre un instantané.
Par Caroline Sury
Toulouse, chambre des comparutions immédiates, février 2024

Ardian S. comparaît pour avoir conduit sans permis en état d’ivresse et pour le port d’un pistolet d’alarme, le tout en récidive. Par l’intermédiaire de l’interprète, il demande un délai pour préparer sa défense. Le président accueille cette demande avec bonhomie : « Il n’y a pas de difficulté, le renvoi est de droit. On va simplement examiner les éléments de sûreté : personnalité et garanties de représentation.  »

Après un rapide coup d’œil, il extrait de l’enquête sociale rapide ce qui lui semble pertinent pour décider si le tribunal va envoyer le prévenu en détention provisoire en attendant son procès : « Vous êtes né en 1987 en Albanie, vous avez fui en raison du racisme contre les communautés roms. Vous avez trois enfants scolarisés, votre famille habite dans un squat. Vous ne consommez de l’alcool et du cannabis que de manière festive. » Après avoir résumé le parcours d’une vie en trois phrases, le président se saisit d’un autre document censé éclairer le tribunal sur la personnalité du prévenu : le casier judiciaire. « Vous avez été condamné à deux reprises : en 2023 pour des violences sous la menace d’une arme qui n’ont pas entraîné d’interruption totale de travail, et en 2022 pour des violences en réunion sans ITT non plus. »

Comme personne n’a de question, la parole est au procureur pour ses réquisitions. Celui-ci n’a pas besoin d’en savoir plus pour demander le placement en détention : « Des condamnations pour violence, en situation irrégulière et habitant dans un squat… Les garanties de représentation sont inexistantes. Les sanctions précédentes ne l’ont pas dissuadé de commettre de nouveaux faits. » Un nouveau séjour en prison lui permettra sans doute de mieux y réfléchir…

L’avocat souligne qu’on n’a pas besoin d’emprisonner son client pour être sûr qu’il soit là lors de son jugement : « On a l’adresse de son squat, il est marié depuis treize ans, ses enfants sont scolarisés à Toulouse. Ça fait cinq ans qu’il est en France. Lors de sa dernière audience, il comparaissait libre et il s’est présenté. Pour ce qui est de l’“arme”, il ne s’agissait pas d’un pistolet d’alarme mais d’une fusée de détresse qui devait servir dans un usage festif – rien à voir avec le couteau de la dernière fois. »

Le tribunal n’a cependant pas à réfléchir longtemps pour envoyer Ardian S. à la prison de Seysses. En fin d’après-midi il sera conduit à la maison d’arrêt où il attendra son procès, prévu un mois et demi plus tard. L’ensemble a duré treize minutes. Le président conclut : « Voilà. Dossier suivant. »

Par La Sellette

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