Au grand bazar de l’armement

Technologies : Le zingue du futur dézingue sa facture

« Ordi volant » et nid à bugs, le prestigieux avion yankee F-35 est un désastre économique.
Mayday mayday.

Depuis la nuit des temps, chaque découverte technique de l’humanité est promptement utilisée pour rendre les moyens de s’étriper toujours plus efficaces : métallurgie, poudre, aviation, nucléaire, électronique… Pendant le XX e siècle et ses deux guerres mondiales, les militaires se sont convaincus des possibilités infinies de la science appliquée à la guerre. C’est sans doute aux États-Unis que cette croyance est la plus enracinée. Peut être parce que des générations de militaires et d’ingénieurs, ces anciens kids abreuvés de comic books, de films hollywoodiens et de jeux vidéos, fantasment les mêmes pouvoirs que les super-héros de leur enfance : l’invisibilité à travers les technologies furtives, l’invulnérabilité avec les drones et bientôt les robots tueurs.

Par Nardo.

Mais nous ne vivons pas dans un monde virtuel, la technologie a des limites et une fois qu’elle les a atteintes ses effets deviennent négatifs. L’US Air Force en fait la cruelle expérience, avec les déboires des ces derniers avions de combat high tech, le F-22 et le F-35, tous deux fabriqués par Lockheed Martin, le premier groupe mondial de l’armement. Afin de comprendre ce qui se passe, livrons-nous à une petite étude comparative avec le F-15, un de leurs prédécesseurs dont les origines remontent à la guerre du Vietnam, développé en 9 ans et construit en 1 198 exemplaires, pour un prix à l’unité variant entre 27,9 et 29,9 millions de dollars selon les versions. Prenons maintenant le F-22 : le programme a été lancé en 1981, au départ son coût total était estimé à 26,3 milliards de dollars et 750 exemplaires devaient être produits, soit un prix à l’unité de 40 millions. Mais les technologies employées, en particulier dans le domaine de la furtivité et de l’électronique, se sont révélés extrêmement complexes et difficiles à maîtriser. Le programme a pris du retard, les coûts ont explosé. Le F-22 n’est entré en service opérationnel qu’en 2005, 24 ans après ses débuts et en 2011 le programme total atteignait la somme colossale de 66,7 milliards ! Les dépassements budgétaires devenant insoutenables, le Pentagone a été contraint de limiter les dégâts, de 750 exemplaires prévus on est arrivés à seulement 187 avions de série. Une mesure d’économie aux effets pervers, puisqu’elle porte le prix unitaire du F-22 à 354 millions, environ douze fois plus cher qu’un F-15… Pour autant, ses performances ne sont pas douze fois meilleures, loin de là. Certes il est moins détectable par les radars, son armement est plus destructeur, il va plus loin, mais pas plus vite et surtout c’est un avion fragile, à l’entretien onéreux.

Le F-35 avait tout pour être une belle histoire à la Disney. En 1994, l’US Air Force, l’US Navy et les marines se sont unis pour développer un avion commun multi-usage. Les trois bonnes fées lui prédisaient un destin fabuleux, construit en grand nombre pour baisser les coûts, les 2 443 exemplaires prévus seraient bon marché. D’autres pays ont été associés à son développement, l’Angleterre en particulier, augmentant ainsi le nombre d’acheteurs. Le F-35 régnerait donc sans partage sur les airs dans les décennies à venir.

Mais la malédiction a frappé, le programme a déjà sept ans de retard, la facture est astronomique, 1 300 milliards de dollars pour le moment. Parmi la foultitude des problèmes rencontrés, l’électronique a une place symbolique car il a besoin de 30 millions de lignes de code pour fonctionner, trois fois plus que le F-22. Surnommé « l’ordinateur volant », le F-35 est un véritable nid à bugs. En dépit de tout, le Pentagone s’entête, la production a commencé, et bien qu’ils ne soient toujours pas au point, les appareils construits devront être « mis à jour » à mesure que les problèmes seront réglés. Jusqu’ici, 130 appareils ont été construits. Ils servent aux tests et à l’entraînement des pilotes, en attendant une hypothétique entrée en service, car le F-35 pourrait n’être qu’un éternel prototype produit en série, une grande première dans l’histoire de l’aviation.

Ensorcelés par les promesses de la technologie, les militaires américains cassent leur tirelire pour se payer des joujoux luxueux, au détriment d’appareils éprouvés mais vieillissants, qu’il faut doper à grands frais pour qu’ils continuent à voler, et qui ne seront pas éternels. Pas grave, le F-22 et le F-35 ont déjà des états de service impeccables sur le front hollywoodien : le F-22 a joué dans Hulk, Iron Man, Transformers, Godzilla. Le F-35 a tenu son rôle dans Superman, Avengers, Green Lantern. Et si c’était ça le principal : la réalité est tellement ennuyeuse.

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1 commentaire
  • 18 mars 2018, 15:52, par Szut

    Un zinc qui se vend comme des petits pains n’est pas un désastre mais au contraire un succès économique. Le F-35 est adoré par les pilotes ce qui tend à prouver que c’est également un succès technique sans précédent. Je ne rentre pas dans les détails, mais les 1400 milliards c’est pour 2400 F-35 avec les couts opérationnels et de maintenance pour les 20 années à venir. Votre article ne fait que surfer sur la vague de la contre propagande russe. Émancipez-vous.

    • 20 mars 2018, 15:04, par Tournesol

      Alors...

      Un "succès commercial" (et cela reste à voir... Pour le moment les commandes sont faibles et les livraisons -LOL- très très en retard) ne fait pas un succès économique.

      L’avis des pilotes : on s’en fout mais alors bien de chez bien !

      Puis, de toute façon, balancer v’la les millions, v’la les milliards pour faire des navions de mort toujours plus modernes et toujours plus mortel... ça nous fait pas du tout rigoler.

      Par contre, dire que CQFD surfe "sur la vague de contre propagande russe."

      Avoue, Szut... Tu connais pas CQFD. Tu bosses pour Lockheed-Martin ? Sinon je vois pas.

    • 21 mars 2018, 18:03, par Szut

      « Succès commercial" (et cela reste à voir... » Je pense que c’est tout vu : 280 avions produits jusqu’à présent et ce n’est que le début et c’est déjà bien plus que notre pauvre rafale.

      « L’avis des pilotes : on s’en fout » Les seuls qui s’y connaissent vraiment on s’en fout. Remarque stupide.

      « v’la les millions » C’est gentil à toi de te faire du souci pour le contribuable américain. Mais tu devrais plutôt de faire du souci pour le contribuable français qui finance un rafale non furtif complètement dépassé par le F-35.

      « Tu connais pas CQFD » Je connais cet article sur un sujet qui m’intéresse. Pour le F-35 CQFD nous a fait du copier-coller de tous les poncifs de la propagande russe qui cherche depuis des années à ridiculiser le F-35. Il faut dire que les russes ne sont jamais arrivés à mettre au point leur propre chasseur furtif (le PAK-FA est une daube). Pour d’autres sujets, je ne mets absolument pas en cause la virginité de CQFD.

      « Payé par Lockheed Martin » Argument désespéré de quelqu’un qui n’a aucun argument.

Paru dans CQFD n°139 (janvier 2016)
Dans la rubrique Le dossier

Par Georges Broussaille
Illustré par Nardo

Mis en ligne le 18.03.2018