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Pour ceux qui soufflent à l’oreille des bouffons, de l’idéologue d’extrême droite Steve Bannon à cette petite crotte humaine du nom d’Arthur Jay Finkelstein qui a convaincu le satrape hongrois Viktor Orbán de tout miser sur le bouc émissaire « migrant » dans un pays peu concerné par la question, il s’agit d’occuper le terrain. De toujours nourrir jusqu’au gavage une attention publique versatile et accro aux rebondissements. « Dans le monde de Donald Trump, de Boris Johnson et de Jair Bolsonaro, chaque jour porte sa gaffe, sa polémique, son coup d’éclat, rappelle Da Empoli. On a à peine le temps de commenter un événement qu’il est déjà éclipsé par un autre, dans une spirale infinie qui catalyse l’attention et sature la scène médiatique. »
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Bien évidemment, Les ingénieurs du chaos ne sont que les héritiers de ceux qui ont construit la superstructure dans laquelle s’ébattent les bouffons, ce jacuzzi d’info en continu et de fake news ventilées par de faux experts. « Bien avant les Bannon et les Casaleggio, il y a le travail des apprentis sorciers de la Silicon Valley. La machinerie hyper puissante des réseaux sociaux, fondée sur les ressorts les plus primaires de la psychologie humaine, n’a pas été conçue pour nous apaiser. Bien au contraire, elle a été construite pour nous maintenir dans un état d’incertitude et de manque permanent. »
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C’est ici que les aspirations classiques des bouffons Trump ou Orbán rejoignent celles soi-disant plus raffinées des seigneurs de la tech, les concepteurs et régulateurs de la machinerie tels que Zuckerberg ou Bezos. En un récent article-fleuve, « The Rise of Techno-authoritarianism [1] », la journaliste Adrienne LaFrance souligne à quel point les hérauts de la Silicon Valley sont à des lieues de s’inscrire dans une culture politique un tant soit peu démocrate, flirtant de fait avec des modes de fonctionnement de plus en plus illibéraux. Ce qui mène de nombreux observateurs à appeler à des formes de régulation. Leur constat : « Le triomphe de la technocratie prouve que les leaders de la Silicon Valley ne se comportent pas en vue de répondre à l’intérêt général. » On tombe des nues…
[/Par Émilien Bernard/]