Quelques dizaines de mètres d’élan
À l’époque, point si lointaine, où le ministre de l’Intérieur s’appelait encore Claude Guéant, il avait coutume de répéter, toutes les semaines environ (et toutes les trois heures en période électorale), qu’il n’était pas question qu’il reste les bras croisés à se gratter les yeuks comme si de rien n’était quand plusieurs milliards d’étrangers (dont plusieurs milliards de sectateurs fanatisés de la religion musulmane) s’apprêtaient – clairement – à déferler sur la Frââânce, et qu’il en était d’autant moins envisageable qu’il tolérât cette invasion qu’il y avait déjà beaucoup trop de ces foutus parasites sur le territoire frââânçais – quand il y en a un, ça va, il ferme sa petite bouche lippue, mais dès que ces gens-là sont plus de deux, on sait très bien comment ça se passe : ils mettent des avions dans la tour Montparnasse (qui n’est pas du tout équipée pour la réception des longs courriers de l’United Airlines), et ça, la Frââânce ne peut évidemment pas le tolérer, vous imaginez le bordel que ça mettrait dans le vivre ensemble ?
À la fin de contenir les Aliens sur les limites extérieures du territoire national, et tout en protestant qu’il haïssait de toutes ses fibres naturelles l’extrême droite xénophobe, Claude Guéant demanda un durcissement du trop lâche accord de Schengen, qui stipulait que même un Algérien pouvait, depuis Montreuil (Seine-Saint-Denis), rallier Romainville (pareil) sans se présenter d’abord au commissariat, et qui était par conséquent une explicite incitation à détruire la tour Montparnasse : cela lui valut d’être ovationné par l’extrême droite xénophobe – qui cependant le taquina un peu, sur le thème, alors, le Glaude, tu viens faire ton marché dans nos fünfzig propositions pour un monde plus juste ? (Et comme elle avait raison.)
Naturellement : cela suscita l’émoi des « socialistes », selon qui cette initiative puait si fort le rejet de l’Autre, que même eux pouvaient le sentir. (Et Dieu sait pourtant, précisèrent-ils, si nous nous défions dans ces difficiles matières de l’angélisme castrateur.)
Après quoi, par un beau soir de mai dernier : l’alternance vint, sous la forme de l’installation dans l’Élysée de François H., dont l’une des premières décisions fut de remplacer au ministère de l’Intérieur, et comme il eût fait de Charybde par Scylla, Claude Guéant par Manuel Valls.
Lequel vient, le 8 juin, d’annoncer, petit un, qu’il acceptait le durcissement de Schengen promu par son prédécesseur, et, petit deux, qu’il n’était pas le moins du monde « gêné aux entournures » par cette ratification – et si des fiottes laxistes peroxydées veulent jouer les chochottes, qu’elles ne se gênent pas du tout, je me ferai un plaisir de transmettre à mon ami Alain Bauer. (Naturellement : les « socialistes » ont jugé que cette courageuse leçon de réalisme montrait bien la nécessité de leur ménager aux législatives une large avance, ou sinon faudra pas que la plèbe s’étonne qu’on puisse pas mener le Changement à son terme.)
Lorsque enfin nous mettrons nos semelles aux culs des « socialistes », il ne faudra pas oublier de prendre quelques dizaines de mètres d’élan : ça serait trop dommage, de rater.
Cet article a été publié dans
CQFD n°101 (juin 2012)
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Paru dans CQFD n°101 (juin 2012)
Dans la rubrique Rage dedans
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Mis en ligne le 01.08.2012
Dans CQFD n°101 (juin 2012)
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