Campagne de vaccination obligatoire
Quand les symptômes persistent…
Le premier, Hervé Roche, élève des vaches laitières sur la commune du Monestier (Puy-de-Dôme, encore). Ayant refusé de vacciner ses bêtes, une ordonnance de dix euros par tête est tombée. « Pour dix vaches, ça peut aller, mais celui qui a une centaine de chèvres… » C’est le cas de Charles Marteaux, qui élève deux cents brebis et soixante-dix chèvres à Fayet-Ronaye (Puy-de-Dôme, toujours). Hervé rappelle au sujet de la fièvre catarrhale : « Le virus est transmis par un moucheron, mais la transmission ne se fait pas d’animal à animal. » (cf. CQFD n. ° 68 et 76) Il ajoute que la contagion a d’abord touché la Belgique, qui n’a jamais vacciné.
Hervé, lui, est un apôtre du bio : « Les industriels de la viande ont demandé la vaccination pour la vente en Italie qui l’exigeait. » Michel Duffaisse, qui fournit l’Amap de Thiers, reconnaît avoir vacciné quelques broutards pour qu’ils puissent passer la frontière italienne, avant de revoir sa prophylaxie : « J’ai suivi les indications de Gilles Grosmond, qui a prescrit des oligo-éléments et du chlorate de magnésium ». Sylvie Guelon, qui pratique l’élevage laitier conventionnel et la vente directe, prend le relais pour expliquer : « On est dans la réflexion du bien-être animal. On fait corps avec nos bêtes. C’est pourquoi on travaille avec Grosmond, qui nous a dit qu’il y avait un moyen de combattre la fièvre catarrhale sur le terrain. » Gilles Grosmond a été vétérinaire clinicien pendant trente ans. Aujourd’hui phytothérapeute, il est l’un de ces rares praticiens à proposer une stratégie différente pour contrer l’épizootie : « Renforcer l’immunité et la mesurer est possible. On a pu constater, avec un test de densité optique, que les animaux non vaccinés avaient plus d’anticorps. »
Après une carrière au sein du très officiel Groupement de défense sanitaire, Yves Cornille, vétérinaire, est lui aussi impliqué dans la recherche d’alternative à la fièvre vaccinale des autorités. Il a rejoint récemment le groupement d’intérêt économique (GIE) Zone Verte qui s’est créé à l’initiative de collègues homéopathes. Leur philosophie : « Ne pas soigner les malades, mais créer les conditions de la santé. » Une démarche qui n’est pas dans l’air du temps : Bernard Vallat, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé animale, constate « un peu partout dans le monde une décroissance des budgets publics dans les domaines de la santé animale, à commencer par les ressources affectées à la surveillance et à la détection précoce des maladies des animaux d’élevage ou sauvages. »
Quant aux labos, ils se portent bien, merci, avec huit cents millions de vaccinations à un euro refourguées en Europe, « pour une maladie qui n’est pas contagieuse, et qui est bénigne la plupart du temps, avance le véto Cornille. De plus, avec ces vingt-quatre sérotypes1, elle est mutante. » Et d’ajouter que les insectes vecteurs sont là depuis les dinosaures. Les herbivores, de plus, dégotent naturellement les moyens de rester en bonne santé : « La chèvre trouve des bourgeons de pin qui la prémunissent contre certaines affections. » Yves Cornille soutient « qu’avec des animaux en situation de faiblesse, amoindris par la génétique, comme les clones, rêve du gentleman-farmer d’aujourd’hui2, les virus sont à leur aise. » Par son activité, ce vétérinaire rencontre nombre d’exploitants agricoles en France : « Éleveurs de ruminants, vous êtes d’abord des éleveurs de bactéries. L’insecte a une fonction d’immunisation », répète-t-il souvent. Il explique également que des vaccins, créés en laboratoire, sont relâchés dans la nature et peuvent devenir dangereux, « notamment en passant d’une espèce à l’autre » . Retour en Auvergne : Pierre Fraisse élève des vaches dans le Livradois. Il a vacciné ses bêtes contre la fièvre catarrhale en 2008. Trois jours après l’injection, sur trente génisses en gestation, sept ont avorté. Ce paysan, qui a vacciné face au risque brandi d’une épizootie foudroyante, s’est adressé à Gilles Grosmond tout de suite après les avortements pour faire des sérologies comparatives sur des élevages vaccinés et non vaccinés. Bilan : les animaux non vaccinés se sont immunisés d’eux-mêmes. Il conclut : « Qui cherche à comprendre commence à désobéir. »
Même si, jusqu’à maintenant, la plupart des prévenus a été relaxée, Gilles Grosmond estime que « les non-lieux ne font rien avancer ». Il poursuit : « Dans le quart Nord-Est de la France, ils ont aspergé la laine avec du Butox, un produit insecticide destiné à supprimer le moucheron responsable de l’épizootie. » On n’arrête pas le progrès.
1 Sérotype : Nom donné à une variété sérologique au sein d’une espèce de bactérie ou de virus.
2 Lire : Fabrice Nicolino, Bidoche, Actes Sud, 2010.
Cet article a été publié dans
CQFD n°89 (mai 2011)
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Paru dans CQFD n°89 (mai 2011)
Par
Illustré par Nardo
Mis en ligne le 01.07.2011
Dans CQFD n°89 (mai 2011)
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