Lu dans ... « HumAngle »
Privés de leurs terres, les agriculteurs du nord-ouest du Nigéria travaillent désormais pour des terroristes
« La voix d’Isa Adamu est à la fois résignée et remplie de colère. “L’insécurité a vraiment affecté notre rendement”, confie cet agriculteur de 45 ans à HumAngle, en périphérie de Shinkafi, dans l’État de Zamfara, au nord-ouest du Nigéria.
[…] Ce qui avait commencé en 2011 comme des troubles ruraux isolés dans le Zamfara s’est transformé, en une véritable crise nationale, s’étendant au reste d’une région qui nourrissait autrefois une grande partie du Nigéria. Rien qu’en 2022, plus de 453 000 personnes ont été déplacées.
“La mauvaise gouvernance, l’injustice, la pauvreté extrême et l’analphabétisme sont les causes profondes de ce terrorisme rural”, déclare Déborah Ibrahim, cheffe communautaire et habitante de Juji, dans l’État de Kaduna. [...] Le vide laissé par l’absence de l’État a été comblé par des acteurs non étatiques, des hommes armés qui dictent leurs règles.
Les conséquences sont graves. Dans la région, près de trois millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire critique – un chiffre qui, selon un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), est monté à 4,3 millions au premier trimestre 2025.
Le terrorisme rural, autrefois limité à quelques gangs, a évolué en groupes armés vaguement coordonnés opérant à travers le Nigéria et jusque dans la République du Niger voisine. Leurs activités sont dévastatrices : meurtres, expulsions et enlèvements d’agriculteurs ; vol de bétail valant des milliards de nairas1 ; incendies de récoltes prêtes à être moissonnées ; et imposition de “taxes” pour avoir simplement le droit de semer, de récolter ou de vivre. “Nos fermes sont devenues leurs fermes. Nous sommes devenus des ouvriers sur des terres que nous possédions autrefois”, fait part Muhammadi Dadi, un agriculteur du Zamfara. […]
Les communautés, autrefois fières de leurs migrations agricoles saisonnières, sont aujourd’hui dispersées pour échapper à la mort. […]
Face à l’abandon de l’État, les communautés improvisent. Certaines cèdent, payent des taxes ou négocient des accords de “paix” fragiles avec les groupes terroristes. D’autres s’arment, réunissant leurs maigres ressources pour équiper des réseaux de vigilance locale. [...]
“Quand nous allons dans les champs, nous y allons à quinze. Dix travaillent pendant que cinq surveillent les environs pour détecter les groupes armés”, explique Jumi Adamu, un jeune membre d’une milice de vigilance. […]
Selon les experts, les déploiements militaires ne suffiront pas à résoudre la crise qui secoue le nord-ouest du Nigéria. Il faut une réponse à plusieurs niveaux, et pas seulement des armes et des points de contrôle.
[…] Alors que le soleil se couche sur Gusau, l’agriculteur déplacé Isiyaka Ahmad Muhammad regarde l’horizon, là où s’étendaient autrefois ses terres. “Avant, je récoltais 100 sacs de mil, de sorgho et de maïs. Aujourd’hui, à peine 20”, dit-il. “Mais je n’abandonnerai pas. L’agriculture, c’est notre identité.” »
Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.
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Cet article a été publié dans
CQFD n°244 (septembre 2025)
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Paru dans CQFD n°244 (septembre 2025)
Dans la rubrique Morceaux volés
Mis en ligne le 21.09.2025
Dans CQFD n°244 (septembre 2025)



