Un nouveau grain de sable dans la machine
Poétiser le regard, inverser le rapport de force
L’été passé, on a malheureusement raté le coche alors que venait au monde une chouette revue semestrielle intitulée Contre-jour1. Éditée par La Friche, collectif roubaisien composé d’auteur·ices, journalistes et documentaristes adeptes d’éducation populaire aux médias, la revue puise dans leurs ateliers et résidences les matériaux qui composent les pages de chaque numéro. À partir de ces rencontres, ils racontent le réel avec les personnes concernées et donnent vie à un média papier qui « poétise le regard, déplace les points de vue, explore les angles morts. Parce que dans la bataille des représentations, les images et les mots sont de précieux outils pour inverser le rapport de force ».
Paru en mai 2023, leur premier numéro prolongeait la thématique des murs, abordée dans leur long métrage documentaire Écoute les murs tomber[ Plus d’informations sur le site de leur distributeur : pollen-difpop.com.]. Des quartiers de Marseille aux barrières de Calais, en passant par le milieu carcéral, se donnait à voir sur près de cent pages l’universelle et absurde violence des murs, matériels ou invisibles. L’horizon souhaité : être « un avis de tempête, une incantation, un grain de sable dans les rouages de la machine à diviser ».
C’est cette fois-ci aux « affaires de famille » que s’attaque leur deuxième numéro, sorti en décembre. Il s’interroge sur « ce qui nous lie, comment on tient ensemble » pour mieux révéler comment nos histoires personnelles relèvent du politique. Au festival du quartier Croix-Rouge, à Reims, ça cause famille entre éducateurs, parents et jeunes. À Saint-Denis, le Chapiteau Raj’Ganawak, plateforme hybride de rencontres, raconte la magie de son accueil inconditionnel. À Lille, des ados parlent de la vie en foyer, des liens d’amitié pris entre difficultés et survie. Au fil des pages, ça parle abandon parental, tirailleurs sénégalais, mal-logement, squat féministe, paroles d’adopté·es, blanchité, inceste, habitat partagé…
Dessins, photos, poèmes, lettres intimes, BD, récits, chacun·e choisit son arme pour accéder à l’expression directe. Et l’on se surprend rapidement à piocher des bouts de vie dans le désordre, au gré des couleurs et de la bonne odeur du papier, dans les interstices d’un patchwork qui prend la parole officielle à contre-jour pour raconter « ce qui se transmet et se partage par-delà l’exil, les secrets, les errances, les urgences ou les liens du sang ».
1 Plus d’informations sur le site de leur distributeur : pollen-difpop.com.
Cet article a été publié dans
CQFD n° 227 (février 2024)
Ce numéro 227 signe le retour des grands dossiers thématiques ! « Qui sème la terreur ? », voici la question au programme de notre focus « antiterrorisme versus luttes sociales ». 16 pages en rab ! Hors-dossier, on décrypte aussi l’atmosphère antiféministe ambiante, on interroge le bien-fondé du terme « génocide » pour évoquer les massacres à Gaza, on retourne au lycée (pro) et on écoute Hugo TSR en cramant des trucs.
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Paru dans CQFD n° 227 (février 2024)
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Mis en ligne le 16.02.2024
Dans CQFD n° 227 (février 2024)
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