Lettre ouverte
« Ni prison, ni extradition, libérez Vincenzo »
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Alors qu’il vivait sereinement en France depuis huit ans, Vincenzo Vecchi a été arrêté le 8 août en Bretagne. Il est menacé d’extradition vers l’Italie de Salvini, où il avait été condamné pour des faits liés au contre-G8 de Gênes (2001) et à une manifestation antifasciste à Milan (2006). Nous publions ci-dessous une lettre ouverte écrite par divers membres de son comité de soutien.
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Membres hétéroclites du comité de soutien à Vincenzo, nous nous adressons à vous : femmes, hommes, vieux ou jeunes, frileux, énervés, engagés, pacifistes, artistes, ouvriers, prisonniers, intellectuels, responsables, élus, paysans…
Jeudi 8 août, Vincenzo, qui vit depuis huit ans à Rochefort-en-Terre (Morbihan), est arrêté par la police. Son arrestation a lieu sous mandat d’arrêt européen pour des faits qui remontent à la manifestation contre le G8 à Gênes en 2001 et à une manifestation anti-fasciste non autorisée à Milan en 2006.
Lors du contre-sommet du G8 à Gênes, Carlo Giuliani est tué par la police et de nombreux militants sont arrêtés. Une dizaine de personnes sont condamnées à des peines lourdes (8 à 15 ans ferme) sous le chef d’inculpation officiel de dévastation et saccage.
En 2006, à Milan, une manifestation organisée par le parti politique d’extrême droite Fiamma tricolore est autorisée. Pourtant, selon la loi Scelba, cette manifestation aurait dû être interdite pour apologie du fascisme. En revanche, la contre-manifestation, elle, n’était pas autorisée…
Vincenzo a été condamné sur la base du code Rocco, introduit en 1930 dans la loi italienne sous Mussolini. Le texte permet, au nom de la notion de « concours moral », de sanctionner la simple présence à des manifestations considérées comme insurrectionnelles sans preuve factuelle. C’est en vertu de cette loi que Vincenzo et neuf autres militants, baptisés les « dix de Gênes », ont écopé de peines très lourdes allant de huit à quinze ans de prison.
À la manifestation de Gênes, la répression policière fut condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) : les auteurs de violence policière contre des manifestants n’ont pas tous été identifiés ni poursuivis en justice, pour autant ceux qui l’ont été n’ont à ce jour effectué aucune de leur peine (en vertu d’une d’amnistie votée en 2006) ; la répression policière a entraîné des traitements inhumains et dégradants sur les manifestants en marge du sommet ; selon la CEDH ces traitements sont assimilables à des « actes de torture ».
Selon Amnesty International, il s’agit de « la plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ».
Ce qui bien évidemment peut questionner la légitimité du jugement. Pour Vincenzo : 12 ans pour dommages causés à des biens !
Lors de l’audience du 14 août au tribunal de Rennes, ses avocats ainsi que l’avocat général réclament à la Cour de disposer d’un délai pour obtenir des documents permettant de nourrir ce dossier incomplet et très questionnant. L’une des avocates de Vincenzo souligne également la disproportion abyssale des peines entre les dommages causés à des biens et ceux infligés à des personnes.
Pourquoi Vincenzo est-il arrêté maintenant, alors qu’il ne représentait aucun danger depuis huit ans, parfaitement intégré et apprécié au niveau local ?
Pourquoi les événements en marge du G8 de Gênes en 2001 marquent-ils un tournant dans la criminalisation des manifestants ? Quel message est depuis ce jour envoyé aux personnes qui ne cherchent qu’à exercer leur droit d’expression ? Avons-nous oublié ce qui a motivé la mobilisation de centaines de milliers de manifestants à se rendre au contre-G8 ?
« C’est une tragédie que rien, naturellement, ne peut justifier. Et, au-delà de ce drame, il y a tout de même eu ici, je ne sais pas combien, 130, 150, 200 000 manifestants venus d’un peu partout, c’est tout de même quelque chose. Ces manifestants ne sont pas venus simplement pour obéir à des mots d’ordre de telle ou telle organisation révolutionnaire, c’est quelque chose de beaucoup plus profond et qui par conséquent doit être compris. » (citation de Jacques Chirac).
Pourquoi l’État italien a-t-il jugé Vincenzo sur un article du code Rocco de 1930 (né sous l’ère fasciste de Mussolini) et encore en vigueur aujourd’hui ? Comment ne pas s’inquiéter du sort réservé aux manifestants arrêtés dans ce contexte de montée des mouvements d’extrême droite ? Quel garde-fou est prévu si ce monde venait à rebasculer dans l’innommable ? Comment pourrait-on protéger au nom de la charte universelle des droits de l’homme celles et ceux qui s’opposent pour des idées ?
Dans ce contexte de tensions sociales et politiques, aussi bien au niveau national qu’européen et international, le comité de soutien alerte la société civile sur la répression qui menace la liberté de manifester et les conditions dans lesquelles les États entendent légiférer en sanctionnant la simple présence à des manifestations.
C’est pour toutes ces raisons que nous refusons que Vincenzo Vecchi soit remis aux autorités italiennes. Dans le contexte politique actuel, nous ne voulons pas qu’il devienne un trophée de la politique d’extrême droite menée par le gouvernement italien de Salvini.
Dans un monde où tout s’accélère, reprenons possession de notre temps, de nos mots, pour échanger, débattre, se questionner ensemble autour de tous ces sujets que soulève l’arrestation de Vincenzo afin de garantir la liberté de chacun et le respect fondamental des droits humains.
Nous ne savons pas comment Vincenzo est arrivé sur notre territoire mais nous savons pourquoi il y est resté ! Dans ce territoire expérimental ouvert à l’émergence de projets alternatifs qui résistent à la déshumanisation ambiante, nous rêvons encore d’un monde où les gens puissent tisser ensemble une dignité collective : certains parleront de démocratie, de droits de l’homme ou d’humanisme, d’autres de solidarité, de résistance ou d’anticapitalisme…
Exigeons sa libération. Choisissez votre mode d’action : écrivez, racontez, diffusez, interpellez, décorez les murs et écrivez-le partout : « Ni prison, ni extradition, libérez Vincenzo »
Cet article a été publié dans
Les échos du Chien rouge
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Paru dans Les échos du Chien rouge
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Mis en ligne le 22.08.2019
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