Égypte

Moubarak dégage !

Midan at tahrir : sur la place bien nommée de « la Libération », le peuple doit faire face aux violences de la police et de la baltaggiya, milice criminelle qui sème la discorde et la peur. Al Jazeera a transmis en direct les images de ces hommes armés de bâtons et de couteaux qui faisaient soudainement irruption, à dos de chameau ou à cheval, dans une foule de manifestants pacifiques.

Omar, l’un des coordinateurs du Comité de soutien au peuple égyptien à Paris, évoque le fameux « péril islamiste » qui a tant servi à faire barrage à la démocratie : « Il n’y a pas de péril islamiste, les islamistes font partie de l’opposition. Mais s’ils négocient avec le pouvoir, comme on a pu le voir récemment, alors ils perdent toute légitimité populaire. » Il parle aussi des tentatives d’Housni Moubarak pour étouffer les revendications démocratiques en fabriquant un ennemi intérieur, les journalistes étrangers, et en prétendant faire des efforts, à travers la création d’une commission censée amender la Constitution dans le cadre d’un « dialogue national ».

Or, ce dialogue national existe déjà – sur les barricades. La ligne de fracture largement exploitée par certains médias occidentaux perd toute sa pertinence sur le terrain révolutionnaire. Lors de la prière du vendredi, des coptes forment un cordon de protection autour des prieurs pour contrer les attaques des milices. Loin de l’instrumentalisation des tensions « communautaires », une forme d’auto-organisation se met en place dans la capitale égyptienne.

Malgré le blocage délibéré des transports publics, plusieurs milliers de personnes ont afflué à pied des quatre coins du pays. Comme en Tunisie, l’État essaie d’exploiter la crainte des classes moyennes en faisant passer les manifestants pour de dangereux voyous. Or, explique Omar, cette place Tahrir est une place vivante, « il y a des gens de tous les âges, on y joue des pièces de théâtre, on y soigne les blessés, on prie, on discute, il y a même des mariages ! » Pour ce qui est de l’auto-organisation, observe Françoise, une camarade d’Omar qui vient de rentrer du Caire, « il y a des comités de quartiers constitués par les manifestants eux-mêmes. Ils ont permis d’éviter les pillages. Ils ont même arrêté des policiers et des miliciens ».

Ces comités de quartier réclament, pêle-mêle, la démission du président, la fin de l’état d’urgence, la dissolution de l’assemblée, la formation d’un gouvernement de transition, la traduction en justice des meurtriers des martyrs de la révolution, la revalorisation des salaires et des retraites ainsi que la gratuité réelle de l’école. Omar explique qu’un « comité de sages » a été élu sur la place et Françoise souligne le rôle des avocats dont les locaux ont été saccagés, avec plus de 700 dossiers confisqués. De nombreux opposants, arrêtés après la marche dite des « un million », ont été mis au secret.

Mais au jour le jour, face à l’arrogance et à la folle persistance du pouvoir autocratique, les manifestants tiennent bon, des groupes d’autodéfense et des cliniques en plein air sont créés et la place Tahrir n’a jamais été aussi propre depuis que les gens nettoient les rues qu’ils se sont enfin réappropriées...

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