Le gars nous annonce ça l’air de rien, entre la troisième dose de vaccin et une énième loi sur la sécurité intérieure. Comme une anodine mention « corn flakes » griffonnée au milieu de la liste des courses, entre « beurre » et « moutarde ». Sauf qu’on parle d’une décision qui aura encore des implications radioactives dans plus de 100 000 ans.
Le 9 novembre, Emmanuel Macron a donc annoncé que « nous allons, pour la première fois depuis des décennies, relancer la construction de réacteurs nucléaires dans notre pays ». Ah bon ? Mais il en a causé à quelqu’un avant, le type ? Par exemple, euh, au Parlement ? Que nenni.
« En annonçant ces constructions comme une évidence déjà décidée, sans même évoquer des débats préalables ni les procédures légales qui devraient précéder de tels chantiers, Emmanuel Macron révèle son immense mépris pour la population, dénonce le réseau Sortir du nucléaire. Pour le président-candidat, la délibération sur le sujet se retrouverait donc réduite aux débats dans le cadre de l’élection présidentielle, le vote final ayant valeur de carte blanche pour mettre en œuvre son projet ? Il perpétuerait ainsi la tradition du fait accompli qui a prévalu jusqu’ici en France, où le nucléaire est le fait du prince et échappe à toute délibération démocratique ! [1] »
Pour justifier son choix, le président de la République explique qu’il s’agit de « payer notre énergie à des tarifs raisonnables ». Mensonge, s’insurge un collectif d’associations écologistes dans une tribune publiée par Libération [2] : « Certes, le coût de l’électricité en France, pays surnucléarisé, est plus bas que la moyenne européenne… mais les contribuables ont largement financé le programme atomique. De plus, de fortes dépenses sont à venir : extension de la durée de fonctionnement des réacteurs, gestion des déchets, démantèlement… » Et le collectif d’asséner : « Surtout, l’électricité produite par de nouveaux réacteurs sera tout sauf abordable. La Cour des comptes chiffre l’électricité que produirait l’EPR de Flamanville (Manche) entre 110 € et 120 €/MWh. Pour les EPR de Hinkley Point [en Angleterre], ce serait 105 €/MWh : presque deux fois plus que les montants évoqués dans les derniers appels d’offres pour l’éolien en France ! Et l’écart continue de se creuser. »
Autre justification à l’atavisme présidentiel pour l’atome : l’idée de « ne pas dépendre de l’étranger ». Réplique des mêmes associations : « Faut-il rappeler qu’il n’y a plus de mines d’uranium en fonctionnement en Europe ? Prétendre qu’un minerai extrait au Niger ou au Kazakhstan assure notre indépendance est faux et perpétue un raisonnement néocolonial qui ne dit pas son nom. »
Comme on pouvait s’y attendre, le sempiternel greenwashing s’est également invité dans le débat. C’est en effet l’élément de langage à la mode chez les partisans du nucléaire : l’énergie atomique (la peste), puisqu’elle émet peu de carbone, pourrait jouer un rôle majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique (le choléra). À la Cop26 de Glasgow, le gouvernement français a largement fait la promotion de la première. Comme l’indique Mediapart, il est allé pour cela « jusqu’à refuser de signer un accord sur l’arrêt du financement des énergies fossiles à l’étranger [3] ». L’objectif ? Complaire à des pays gaziers d’Europe de l’Est dont Paris cherche le soutien afin d’obtenir la désignation du nucléaire comme énergie propre dans la « taxonomie verte » (classification environnementale des activités industrielles) en cours d’élaboration au niveau européen [4].
Pourtant, comme le rappelle le réseau Sortir du nucléaire, l’atome reste avant tout « une technologie dangereuse, polluante, complexe, génératrice de déchets ingérables, qui réchauffe les cours d’eau… et est elle-même vulnérable aux phénomènes climatiques extrêmes [5] ». Le 11 mars dernier, on commémorait les dix ans de l’accident de Fukushima. Combien de catastrophes de ce style faudra-t-il encore pour que la leçon soit comprise ?