Mal vivre tue

Fin mars, en Italie, deux maçons criblés de dettes se sont immolés par le feu, l’un à Bologne, l’autre à Vérone. En Grèce, dans ce pays qui en deux ans a vu doubler le nombre de suicides alors que le taux y était jusqu’alors le plus bas d’Europe, une pratique se répand : celle de s’enfermer dans sa voiture et de se précipiter dans un bassin portuaire. Le 5 avril au matin, sur la place Syngtama d’Athènes, un homme s’est tiré une balle dans la tête.

En France, dernièrement, plusieurs salariés de France Télécom et de la Poste ont mis volontairement fin à leurs jours. Un cadre d’une entreprise bordelaise de transport s’est pendu le 5 mars après avoir laissé une lettre dénonçant le harcèlement qu’il subissait du fait de la « gestion automatisée de son travail et de l’installation de système de géo-localisation sur son véhicule ». Deux inspecteurs du travail ont pris la même décision, l’un en mai 2011 et l’autre le 18 janvier dernier. Le 1er mars, un employé de la Caisse primaire d’assurance maladie s’est flingué dans son bureau. Un éducateur travaillant dans une association dunkerquoise a sauté d’un pont en novembre 2011. À Dieppe, le 26 mars, un chômeur s’est aspergé d’essence dans les locaux d’une agence de Pôle emploi.

Les tentatives désespérées se multiplient. Prises massives de psychotropes, dépressions, arrêts maladie, la liste des drames et troubles graves provoqués par la réorganisation violente de la discipline sociale que les bonimenteurs appellent « crise » ne fait que s’allonger. « Le travail est de plus en plus maltraitant, de plus en plus subi. […] On peut observer l’apparition de suicides quasiment militants », affirme Jean-Claude Delgènes, directeur d’un cabinet chargé d’enquêter sur France Télécom. Non sans prévenir que, à terme, « l’on va vers des homicides en entreprise ». C’est vrai, pourquoi toujours se faire du mal ?

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Paru dans CQFD n°99 (avril 2012)
Par Gilles Lucas
Mis en ligne le 22.05.2012