Rêves d’Europe et cauchemar sécuritaire

Les murs de la mer

Moins exposé médiatiquement que les routes migratoires de Méditerranée centrale ou de mer Égée, le détroit de Gibraltar est resté un lieu de passage où les soldats marocains jouent le rôle de supplétifs des politiques européennes. Les voyageurs sans visa y vivent de longues périodes d’attente, de violence et de misère. Reportage à Tanger, Ceuta et Melilla.

Tarifa, extrême sud de l’Espagne, point le plus méridional du continent. Exposée au vent d’Est, cette petite cité andalouse de 17 000 habitants, avec son joli centre historique, ses maisons blanches, ses patios remarquables, ses magasins de surf et ses boutiques de mode « bio-baba-cool » est connue pour être l’un des meilleurs spots de sports de glisse d’Europe. Et c’est vrai que quand souffle le Levante, ça décoiffe. Mais Tarifa, c’est aussi l’objet du désir des migrants qui quittent les côtes marocaines à bord de pateras, ces embarcations de fortune. Sur ce point le plus étroit du détroit de Gibraltrar, à peine 13 kilomètres séparent l’Europe du continent africain. Par temps clair, des hauteurs de Tarifa, on distingue distinctement les côtes marocaines et notamment les reliefs escarpés du Djebel Musa1 . En à peine une demi-heure par ferry, on débarque au port de Tanger.

Par Maël Galisson

Rencontré dans la médina, Samuel [Les prénoms on été changés, ndlr] est un trentenaire originaire du Cameroun. Quand certains font Paris/Douala en moins de sept heures, Samuel est bloqué au Maroc après 6 ans sur les routes. Dans le café Najah, où il a ses habitudes, il raconte son odyssée. À l’été 2010, il quitte Douala, capitale économique du Cameroun, et part pour la ville de Maroua, à la frontière avec le Nigeria. Il cherche du boulot, mais la zone se trouve déstabilisée par la secte islamiste Boko Haram. Il décide alors de partir au Tchad. Sans connexion là-bas, il poursuit sa route jusqu’au Mali, où résident quelques connaissances. Il vivote huit mois à Bamako. Puis, il tente de rejoindre des amis camerounais vivant à Nouadhibou (Mauritanie). Sans visa, il est refoulé au Mali. Un policier mauritanien accommodant – moyennant un bakchich – va jusqu’à Bamako récupérer une fausse carte d’identité malienne qu’il vend à Samuel. Quasiment sans ressource, le voyage jusqu’à Nouadhibou l’oblige à emprunter presque tous les moyens de transport existant : charrette à âne, accrochée au chargement d’un pick-up, taxi collectif, bus. Il arrive à Nouadhibou épuisé. À cet instant du voyage, la volonté de rallier l’Europe n’est pas encore claire. Au contraire, après une année en Mauritanie, il opte pour rentrer au pays. Afin de faciliter ses déplacements dans l’espace de la Cedeao 2, un ami guinéen lui permet d’obtenir un (faux) passeport. Il quitte la Mauritanie pour le Mali, en faisant un crochet par Conakry afin de récupérer le fameux sésame.

En chemin, sans trop savoir pourquoi, il modifie son itinéraire. Direction : le Niger. Niamey, Agadez, puis Arlit. Sur la route, entre Agadez et Arlit, « à chaque check-point, les flics te contrôlent, séparent les gens par nationalité et te soutirent quelque chose » et quand tu arrives « tout le monde sait pourquoi tu es là ». Avec d’autres aventuriers, Samuel attend son tour dans une des maisons gérées par les passeurs. Il y fait la connaissance de trois jeunes mineurs, une fille et deux garçons, en partance pour l’Europe. N’ayant plus d’argent, ils sont coincés à Arlit. Il les prend sous son aile et leur paye le prix du voyage en pick-up jusqu’en Algérie. Mais peu après le départ, le convoi tombe dans un guet-apens : une bande de Touaregs armés – probablement de mèche avec les passeurs – déleste les voyageurs de leur argent, téléphones et bijoux. Les bandits les alignent et les fouillent sans ménagement. Ils s’attardent sur Samuel, un des plus âgés du convoi. La machette d’un des hommes bleus entaille à plusieurs reprises ses bras. Mais ce dernier n’a rien à cacher, tout son argent a servi à financer le passage. Vient justement le tour d’un des deux jeunes garçons qui craque après quelques minutes de pression. Il livre la liasse de billets cachée dans la ceinture de son pantalon. Les pirates du désert enragent : si ce jeune a réussi à dissimuler cet argent, combien dans le groupe ont pu faire de même ? Ils engagent une nouvelle fouille, encore plus brutale. Puis, le cauchemar s’arrête. Avec soulagement : cette nuit-là, personne n’y a laissé la vie.

La « remontée » se poursuit : Tamanrasset, Ghardaïa, puis Oran, où Samuel galère quatre mois. Il part ensuite pour Maghnia, à quelques kilomètres du Maroc. Il y reste le temps de récolter l’argent nécessaire pour passer la frontière, ses principaux « sponsors » étant sa famille restée au pays et surtout ses frères qui vivent en Europe. Il passe au Maroc, direction Tanger. Deux ans plus tard, il y est toujours bloqué. Au compteur, neuf tentatives de franchissement du détroit de Gibraltar par bateau. Et autant d’échecs qui se traduisent par une double peine : non seulement les militaires marocains arraisonnent la frêle embarcation et la ramènent à terre, mais les passagers, parfois après avoir été bastonnés, sont refoulés loin de Tanger. Samuel a donc été victime de neuf éloignements : 3 fois vers Kénitra, 3 fois vers Agadir et 3 fois vers Tiznit (respectivement à 200, 600 et 670 km de Tanger). Transportés dans des bus déglingués, les migrants sont ensuite abandonnés à la sortie des villes ou en rase campagne.

À Tanger, Samuel vit dans un de ces petits immeubles décrépits au cœur de la médina. « Il n’y a que des Blacks qui vivent là. Camerounais, Guinéens, Sénégalais », commente-t-il. Il loue une minuscule chambre à un marchand de sommeil aux activités variées : « logeur » de Subsahariens, trafiquant de haschich… Sur le pas de la porte, un de ses amis, avec qui il partage parfois la chambre, cuisine sur un réchaud à gaz des morceaux de poulet plongés dans un bain d’huile. Le lieu est spartiate : un lit occupe les 2/3 de la pièce, une petite étagère pour les effets personnels et une table basse sur laquelle est posé un écran et lecteur DVD. « J’ai veillé tard cette nuit. Je voulais finir la série Game of Thrones. » Il faut s’occuper l’esprit en attendant que la chance tourne. L’attente rythme le quotidien des voyageurs en quête d’Europe. Attendre le jour du passage. Attendre le mandat qui permettra de poursuivre sa route. Attendre qu’un patron vous embauche comme journalier... Pour tuer le temps, Samuel vient souvent au café Najah, situé à quelques mètres de la place du Petit Socco, dans le cœur de la Médina. Il pose le décor : « Les Blacks l’appellent le “café Cloch’”, car il n’y a que les prostituées et les clochards qui le fréquentent. » Le lieu n’est pas très engageant : au fond de la salle principale plongée dans une semi-obscurité, quelques solitaires sont attablés, la pipe de kif à la main ou occupés à se rouler un joint. Deux femmes passent d’une table à l’autre. Dans l’entrée, la télévision est branchée sur National Geographic et diffuse en boucle des reportages animaliers en anglais. Le café Najah est connu des subsahariens, car un espace y a été négocié pour accueillir le « Restaurant Kebbe », du nom d’un ancien migrant sénégalais aujourd’hui installé au Maroc. De fait, il s’agit d’un des rares lieux où les Noirs sont acceptés sans trop de difficultés. Pour 25 dirhams, Aïssatou, qui gère la cantine, te prépare un bon thiep ou un maffé. Et les plus fortunés payent des « repas en attente », qui dépanneront les jours de grande galère. Assis sur une chaise, le portable en main, Samuel profite du WiFi du Najah pour prendre des nouvelles de sa femme et de son fils restés au Cameroun. Six ans ont passé et son enfant grandit sans lui. Il échange aussi avec l’un de ses frères qui, depuis la France, l’encourage à ne pas lâcher prise. Malgré les échecs répétés, Samuel reste déterminé. Il a décidé de changer de stratégie. « Fini la mer, je ne veux plus risquer ma peau. J’attends d’avoir l’argent nécessaire et je pars à Melilla. »

Par Maël Galisson

Melilla est, comme Ceuta, une enclave espagnole située en territoire marocain. Ces deux villes autonomes sont les seules frontières terrestres existantes entre l’Union européenne et l’Afrique. Arriver à Melilla en venant du Maroc, c’est se confronter à la « barrière », un dispositif destiné à empêcher l’entrée sur le territoire espagnol des migrants dits « illégaux ». En une quinzaine d’années, elle n’a cessé d’être renforcée. Double rangée de barbelés, douves de plusieurs mètres de profondeur, postes de surveillance des soldats marocains, triple barrière de 6 mètres de haut (parfois surmontée de barbelés) avec mécanisme d’entrave en cas de franchissement, vidéosurveillance généralisée, détecteurs de mouvements, rondes d’observation des militaires… Une véritable balafre sur le paysage. Et un marché juteux pour l’industrie de l’armement. Côté espagnol, la concurrence est rude pour rafler le pactole du contrôle de la frontière. Entre 2005 et 2006, c’est l’entreprise Indra3 qui empoche 21 millions d’euros destinés à construire 7 kilomètres de grillages. Puis, c’est Necso qui remporte le marché de 1,13 million d’euros quand le ministère de l’Intérieur décide de doubler la hauteur des barrières. Indra se refait une santé entre 2007 et 2009 en s’occupant de la maintenance et des réparations de la « barrière » et récolte au passage 6,3 millions d’euros. Dans un récent rapport, l’ONG néerlandaise Transnational institute (TNI) montre que le business de la frontière est en plein boum : « Estimé à quelques 15 milliards d’euros en 2015, il devrait augmenter à plus de 29 milliards d’euros par an en 20224. » Elle ajoute que l’UE a prévu de dépenser 4,5 milliards d’euros sur la période 2004-2020 afin de sécuriser ses frontières extérieures et que « le budget de Frontex, principal organisme de contrôle des frontières, a augmenté de 3688% entre 2005 et 2016 (de 6,3 millions d’euros à 238,7millions d’euros) ». Ironie de l’histoire, les entreprises à la pointe de la militarisation des frontières européennes vendent également des armes qui équipent les guerres actuellement en cours au Moyen-Orient et en Afrique, grandes pourvoyeuses de réfugiés. Marchands d’armes le matin, négociants en barbelés l’après-midi. Et le rapport de conclure, « les entreprises qui créent la crise sont celles qui en profitent ».

La barrière de Melilla sépare deux territoires en guerre. Mais l’Espagne et le Maroc ne sont pas (ou plus) en conflit. La violence, tant symbolique que physique, est désormais dirigée contre les migrants. Omar Naji, militant de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH), décrit l’ambiance : « À Nador, tu ne peux pas marcher en ville si tu es Noir, la police te rafle. » Dans les montagnes entourant l’enclave espagnole, « les descentes des forces auxiliaires marocaines s’accompagnent d’arrestations, y compris de personnes disposant de titre de séjour, et de destruction des tentes et abris ». La surveillance et le harcèlement sont constants : « Une fois par semaine, un hélicoptère de l’armée survole les bois afin d’estimer le nombre de migrants qui s’y cachent. » À coup de gourdin ou de pierres, les « Alis » – surnom donné par les migrants aux soldats marocains – se déchaînent. Les Subsahariens arrêtés lors de ces raids sont emprisonnés, hors de tout cadre légal et sans limitation de durée, dans des centres de rétention (souvent des bâtiments publics réquisitionnés), en attendant un refoulement vers le Sud.

À Melilla comme à Ceuta, tenter de « brûler » la frontière peut prendre différentes formes. Pour les sans-papiers ayant des ressources financières, il y a le passage par la route et les postes-frontières, recroquevillés dans des caches, sous les sièges, derrière un pare-chocs ou dans le réservoir d’un véhicule. Vient ensuite la voie maritime sur des barques de pêche, zodiacs ou même jet-ski te déposant à proximité des plages espagnoles. Enfin, pour les sans-le-sou, reste le saut de la barrière. S’attaquer au dispositif implique une organisation quasi militaire du passage. Observer les rondes des soldats marocains, porter attention à la météo (un vent fort peut déclencher les alarmes), préparer son équipement (chaussures à crampons bricolés, multiples couches de vêtements…), repérer les faiblesses de la barrière, organiser le ravitaillement du campement… sont quelques-unes des tâches à accomplir avant de tenter une « boza » 5.

Mais le franchissement de la barrière n’est pas une garantie. Depuis des années, côté espagnol, la Guardia civil procède en toute illégalité à des « refoulements à chaud » : un migrant interpellé sur la frontière est remis aux autorités marocaines sans examen de sa situation, en violation de la Convention de Genève6. Pire, le 1er avril 2015, le législateur espagnol a voté un amendement qui « encadre » ces expulsions à chaud, les légitimant de droit. D’autant qu’il n’existe aucune limite dans le temps et l’espace. Dans un rapport conjoint réalisé par le collectif euro africain Migreurop, Kouma, un réfugié camerounais vivant à Rabat, témoigne : « En quatre ans de forêt à Nador, je suis entré cinq fois à Melilla par la barrière. Mais à chaque fois on nous a pris et rejetés au Maroc. C’était très violent, il y a des gens qui sont morts de leurs blessures lors du refoulement. La quatrième fois, je suis entré bien loin dans la ville, j’étais proche du campo [centre de rétention]. Mais la Guardia tournait. Je m’étais caché dans des touffes d’herbe, à un moment j’ai vu les phares sur moi, c’était fini. Ils m’ont mis de force dans la voiture et jeté au Maroc, par une des portes de la barrière7 ».

Quelle que soit la voie, chaque tentative comporte ses risques. En 2015, la section de Nador de l’AMDH a recensé 23 décès lors de tentatives de passage, dont 21 personnes mortes noyées lors du naufrage de leur embarcation8. L’Associacion Pro Derechos Humanos de Andalucía (APDHA) dénombre quant à elle, sur la même année, 195 disparitions sur l’ensemble de la frontière (Ceuta, Melilla et détroit de Gibraltar)9. Et il ne s’agit là que des morts qu’on a pu recenser. Combien de corps engloutis par la Méditerranée ? Combien de personnes mortes sous les coups des forces auxiliaires marocaines ou de la Guardia civil et enterrées en douce dans les montagnes surplombant Ceuta et Melilla10 10 ? Aux morts s’ajoutent les blessés, par les coups ou les barbelés, laissant certains infirmes ou amputés.

Croisé à Ceuta, à proximité de la plage Benitez, Bertrand, 22 ans, a réussi à mettre le pied en Europe. En février 2016, il a quitté la Guinée-Conakry, « pays en voie de sous-développement  » dit-il d’un ton sarcastique, car il voulait « faire sa vie » et échapper à un horizon bouché par la cooptation et la corruption. Il a pris un vol Conakry-Rabat, a passé un mois dans la capitale du royaume chérifien, logé dans un appartement collectif avec d’autres candidats au départ. Puis il est parti pour Tanger et le quartier de Boukhalef, où il a séjourné pendant 3 mois. Quand on l’interroge sur ces quelques mois passés au Maroc, Bertrand raconte surtout le racisme dont sont victimes les Noirs. « Quand on montait dans le bus, les gens se bouchaient le nez ou nous aspergeaient d’eau de Cologne. Et si nous n’étions que des Blacks à attendre à l’arrêt de bus, il arrivait que le chauffeur ne s’arrête pas. On m’a plusieurs fois craché dessus. » Pour rien au monde il ne remettrait les pieds au Maroc.

Un jour de juin, guidé par un passeur, Bertrand quitte Tanger en direction de Ceuta. À la nuit tombée, avec 11 compagnons, il se hisse dans un bateau pneumatique. Quelques heures et quelques frayeurs plus tard, l’embarcation accoste sur une des plages de Ceuta. Coût du passage : 2 800 euros. Depuis, Bertrand patiente. Les journées se suivent et se ressemblent : ici, il n’y a rien à faire qu’attendre. Car Ceuta, tout comme Melilla, c’est l’Europe... Enfin, pas vraiment. Car si les chanceux qui ont pu entrer sont de fait dans l’Union européenne, ils ne peuvent quitter l’enclave, celle-ci étant exclue de l’espace Schengen. Une fois enregistré au Centre de séjour temporaire pour migrants (Ceti), le migrant se morfond dans l’attente d’un transfert vers un des centres d’accueil de la péninsule. Il y a encore quelque temps, l’attente pouvait durer jusqu’à une voire plusieurs années. Actuellement, on table sur 6 mois environ. Alors, les exilés tuent le temps. Ils fuient le plus possible le Ceti, ses dortoirs bondés et ses équipements sanitaires insuffisants. Certains proposent leurs services contre quelques piécettes à la sortie des supermarchés ou comme gardes-parkings. D’autres fréquentent les cours d’espagnol proposés par l’association Elin. Beaucoup errent simplement en ville. Ceuta, avec son air de « douce prison », est le dernier sas avant d’atteindre réellement l’Europe.

La fin de journée approche et la nuit tombe. Bertrand quitte la plage Benitez, direction le Ceti. « Plus que 5 mois avant d’aller voir Paris », lâche-t-il, le sourire aux lèvres. En face, de l’autre côté du détroit et à travers la brume, éclosent peu à peu les lumières du rocher de Gibraltar et du port d’Algéciras. Un peu plus à l’ouest, on distingue l’ombre des montagnes surplombant Tarifa.

Maël Gallisson

L’éternel retour des routes clandestines

Onze ans près, rien ne semble avoir changé. Ce que dit ce reportage autour du détroit de Gibraltar ravive le souvenir de l’assaut du 29 septembre 2005 sur les hautes grilles de Ceuta, le premier à avoir été médiatisé. un des participants à cette émeute sur la frontière, Mahmoud Traoré, en témoigne dans le livre Partir et raconter – Récit d’un clandestin africain en route vers l’Europe (Lignes, 2012).

Un temps, après que les images de vidéosurveillance diffusées sur toutes les télés du monde (vision fantasmagorique d’une avalanche de corps noirs menaçant de submerger le jardin d’Eden) eurent accompagné les premières opérations de l’agence Frontex, les voies clandestines se sont déportées vers les Canaries, puis Lampedusa, Malte et les îles grecques. Ceuta et Melilla était devenues des culs-de-sac où le migrant sans papiers croupissait souvent pendant des années avant de pouvoir gagner la péninsule ibérique.

Aujourd’hui, alors que les conflits armés en Libye, Syrie, Irak, Afghanistan, Palestine et Turquie injectent des centaines de milliers de réfugiés dans les artères du passage clandestin (avec son cortège de tragédies et les mirifiques profits légaux et illégaux qu’il engendre), les routes du Maghreb sont redevenues une alternative qui saute aux yeux.

En témoignant de la vie sur les routes et de l’organisation de l’assaut par des assemblées oeuvrant à l’insu des flics ripoux autant que des réseaux de passeurs, Mahmoud Traoré parlait de dignité, d’union et de persévérance. « Pour nous, un clando, c’était un clodo, mais après avoir écouté l’histoire de Mahmoud, on sait maintenant qu’ils sont plutôt des héros  », déclarera une collégienne marseillaise devant une caméra de France 3. C’est cette dignité que l’État français tente de disperser à Calais ou à Menton.

Bruno Le Dantec

1 Du haut de ses 851 m d’altitude, le Djebel Musa, situé en territoire marocain, surplombe la ville autonome de Ceuta.

2 Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest.

3 Indra, une des principales multinationales espagnoles, est une compagnie multisectorielle intervenant dans les domaines de la sécurité et de la défense, du transport et de la circulation, de l’énergie et de l’industrie.

4 « Transnationalinstitute, Guerras de frontera, Los fabricantes y vendedores de armas que se bénéficiai ! de la tragedia de los refugiados en Europa », 04/08/16.

5 Nom donné à la danse que les exilés improvisent pour célébrer la réussite du passage de la frontière. De fait, le terme s’applique aussi à la tentative de passage.

6 Article 33, paragraphe 1 de la Convention de Genève.

7 Association marocaine des Droits de l’Homme (AMDH), Rapport annuel 2015 sur la migration et l’asile à Nador.

8 Asociaciôn Pro Derechos Humanos de Andalucia (APDHA), Droits de l’Homme à la Frontière Sud, 2016.

9 Gadem, Migreurop, APDHA, La Cimade, Ceuta et Melilla, centres de tri à ciel ouvert aux portes de l’Afrique, décembre 2015.

10 Ibid.

Facebook  Twitter  Mastodon  Email   Imprimer
Écrire un commentaire