- Rendre les coups, aux éditions Le Passager Clandestin
Selim Derkaoui le montre : la boxe est, et a toujours été, faite par « les miséreux ». Licences peu onéreuses, clubs situés en périphérie et imaginaire gravé dans la culture populaire : après avoir été « le sport des prolétaires blancs », la boxe anglaise est devenue celui « de l’immigration post-coloniale ».
« L’environnement qui mène au ring est déjà un ring »
Un constat que la préface du rappeur Médine, à la tête d’un club de boxe au Havre, explique succinctement : « L’environnement qui mène au ring est déjà un ring. »
La classe dirigeante et bourgeoise voudrait la boxe « canalisatrice » de la violence de jeunes de quartiers qu’ils fantasment « ensauvagés » ; elle apparaît ici comme exutoire d’une colère de classe. Et dit l’envie, furieuse, de « rendre les coups » face au racisme, aux violences policières, et au mépris de classe. « Sous une forme sportive et légale, écrit l’auteur, la boxe anglaise est la manifestation de la violence légitime. » Selim Derkaoui ne fait pas l’impasse sur les paradoxes du noble art : boxe business, agents marchandant le sacrifice des corps laborieux et racisés pour le show… ni sur les rêves d’ascension sociale et de billets violets. Car si l’attention médiatique et les sponsors se sont aujourd’hui reportés sur le football et le MMA (mixed martial art), la boxe conserve une force d’attraction magnétique. Parfois pour le pire : au fil de son enquête, l’auteur nous emmène dans les royaumes de la boxe gentrifiée, à 29 euros les 45 minutes. Et jusqu’aux sphères d’extrême droite comme le club de la Baffe lutécienne à Paris. Un bouquin qui donne envie de détourner la punchline d’Ärsenik, et d’interroger : « Comment faire de la boxe sans prendre position ?! » [1]
[/Par Léna Rosada/]