Lu dans +972

Gaza : « L’heure de gloire de l’industrie de la défense »

Dans un article publié le 17 janvier sur le précieux média d’investigation israélien +972, la journaliste Sophia Goodfriend dépeint une industrie de la défense se frottant les mains des ravages de la guerre. Extraits.

L’article en intégralité est disponivle sut le site de +972 en anglais « Gaza war offers the ultimate marketing tool for Israeli arms companies »

Fin novembre, la start-up israélienne Smartshooter, spécialisée dans les technologies de défense, a publié sur Facebook une photo granuleuse montrant trois soldats israéliens pointant des fusils d’assaut sur un bâtiment en béton dynamité, quelque part dans la bande de Gaza1. Pour légende : « Le SMASH 3000 est maintenant en action avec les forces spéciales israéliennes de Sayeret Maglan, dans des situations de combat rapproché ! » Au cours d’une interview publiée par Ynet un mois plus tard, le PDG de la société, Michal Mor, a expliqué que la guerre d’Israël contre Gaza, qui a tué près de 30 000 Palestiniens, avait stimulé les ventes. « C’est l’heure de gloire de l’industrie de la défense », a déclaré M. Mor.

Cet optimisme quant aux prouesses militaro-technologiques d’Israël est en décalage frappant avec l’échec qu’a vécu l’appareil militaire israélien le 7 octobre. Pendant des années, les dirigeants militaires ont construit leur stratégie sur des prévisions, en promettant que de meilleures armes et technologies de surveillance assureraient, à l’avenir, une plus grande sécurité. Mais aucun des systèmes de l’armée censés être à la pointe de la technologie n’a pu empêcher le Hamas de franchir la clôture de Gaza, ni les massacres qui ont suivi.

Parmi les dirigeants de Tsahal, les horribles violences ont semblé enclencher dans un premier temps une remise en question de la dépendance excessive de l’armée à l’égard des systèmes de haute technologie. Pourtant, il semble que cette prise de conscience n’a pas fait long feu : aucun changement durable du complexe militaro-industriel israélien ne se profile à l’horizon. L’armée israélienne se présente une fois de plus comme une superpuissance technologique, vantant les mérites de l’armement automatisé et de la surveillance informatique « testés au combat » contre la bande de Gaza. Les porte-parole militaires espèrent que ces vieilles formules feront oublier qu’Israël est loin d’avoir atteint ses objectifs déclarés, à savoir l’élimination du Hamas et le retour des otages restants, bien qu’il s’agisse de l’une des campagnes militaires les plus destructrices de l’histoire moderne.

[…] Grâce à la guerre à Gaza, les analystes s’attendent à ce que les ventes globales d’armes en 2024 soient encore plus élevées [qu’en 2023]. Outre les conglomérats multinationaux de l’armement, les investisseurs injectent des fonds dans des start-ups plus petites, dont beaucoup ont leur siège en Israël. Les mitrailleuses automatisées, les cyber-armes secrètes, les drones suicides et les chars d’assaut dotés d’une intelligence artificielle sont présentés comme les nouvelles technologies les plus lucratives de la Silicon Valley. Parmi les entreprises israéliennes qui ont affiché les rendements boursiers les plus élevés à la fin de l’année 2023, on trouve des start-ups qui commercialisent des armes de pointe déployées par l’armée à Gaza. Après tout, la technologie militaire est l’une des rares industries qui prospère en période d’instabilité géopolitique.

Par Sophia Goodfriend
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Cet article a été publié dans

CQFD n° 227 (février 2024)

Ce numéro 227 signe le retour des grands dossiers thématiques ! « Qui sème la terreur ? », voici la question au programme de notre focus « antiterrorisme versus luttes sociales ». 16 pages en rab ! Hors-dossier, on décrypte aussi l’atmosphère antiféministe ambiante, on interroge le bien-fondé du terme « génocide » pour évoquer les massacres à Gaza, on retourne au lycée (pro) et on écoute Hugo TSR en cramant des trucs.

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