Capture d’écran
Flamme Ozempic
Face à la caméra de son smartphone, sourire ultra brite, une jeune Américaine dévoile sa nouvelle silhouette. En une poignée de semaines et de piqûres dans le bide : moins 30 kilos. Ce genre de posts, on les compte par centaines de milliers sur TikTok. Toujours, en légende, un #Ozempic ou #MyOzempicJourney.
Commercialisé par le labo danois Novo Nordisk dès 2017, ce produit, qui s’injecte une fois par semaine à l’aide d’un stylo jetable, traite le diabète de type 2. Il régule la glycémie grâce à une merveilleuse molécule : la sémaglutide. L’Ozempic se mue alors en un coupe-faim d’une efficacité bluffante et une sacrée machine à cash. Aussi, Novo Nordisk lance un autre médicament avec la même molécule aux États-Unis : le Wegovy.
Selon France Info, en 2021, l’Ozempic a été prescrit à 215 000 patients français et 1 % des consommateurs le détourneraient. Mais sur Snapchat, un véritable trafic du médoc miracle s’installe. L’Ozempic est partout et agite toutes les catégories sociales. Évoquant les podiums de la Fashion week de Milan qui s’est tenue à la mi-septembre, une journaliste du Figaro confie que le nom du produit est sur toutes les bouches, des mannequins déjà faméliques aux journalistes et stylistes.
C’est aux États-Unis que la piquouse s’est banalisée, glamourisée par les people. Sur X, une internaute demande à Elon Musk comment il fait pour rester « si beau gosse, affûté et en forme » (vraiment ?). Le milliardaire facho rétorque : « Jeûne et Wegovy. » Et dans un des épisodes de la téléréalité du sacro-saint clan Kardashian, en mai dernier, les téléspectateurs ont repéré des boîtes ornées du logo Ozempic dans la porte du frigo de l’un des personnages.
Au menu des effets secondaires : risque de cancer de la thyroïde (rare), caillots dans la bile, crises de coliques hépatiques (moins rares). Malgré ce joli cocktail, les pharmacies françaises et américaines affrontent une pénurie laissant les malades (les vrais diabétiques pas les zinzins du poids) sur le carreau. Difficile de ne pas penser à un autre scandale sanitaire bien franchouillard : celui du Médiator en 2010. Ce médicament contre le diabète, commercialisé par les laboratoires Servier, avait lui aussi été détourné pour perdre du poids, causant de graves lésions cardiaques – on parle de 500 à 2 000 décès.
Avec la folie Ozempic, les internautes s’improvisent gastro-entérologues et nutritionnistes sur Instagram et Tiktok, s’appropriant le jargon de la digestion. Une « expertise » sur laquelle s’appuient les labos. Grâce aux réseaux, Novo Nordisk a vu son action atteindre des records. Son chiffre d’affaires a progressé de 29 % en 2023 et le labo pèse 7,85 milliards d’euros.
Pas besoin de coupe-faim : avec ce genre d’info, on a déjà bien la nausée.
Cet article a été publié dans
CQFD n°234 (octobre 2024)
Dans ce numéro, on revient avec Valérie Rey-Robert sur ce qu’est la culture du viol dans un dossier de quatre pages, avec en toile de fond l’affaire des viols de Mazan. On aborde aussi le culte du patriarche et les violences sexistes dans le cinéma d’auteur. Hors-dossier, Vincent Tiberj déconstruit le mythe de la droitisation de la France. On se penche sur les centres d’accueil pour demandeurs d’asile en Italie, avant de revenir sur la grève victorieuse des femmes de chambres d’un hôtel de luxe à Marseille. Enfin, on sollicite votre soutien pour sortir CQFD de la dèche !
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Paru dans CQFD n°234 (octobre 2024)
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Mis en ligne le 24.10.2024
Dans CQFD n°234 (octobre 2024)
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