« Drame familial »

« Il semblerait que ce soit un problème de jalousie qui ait entraîné un différend conjugal à l’origine de ce drame », a déclaré mardi 4 octobre dernier le procureur de la République de Bourg-en-Bresse (Ain), à propos de l’assassinat par un homme de son épouse et de ses deux enfants. La déclaration du procureur illustre parfaitement les « stratégies d’occultation des violences masculines1 » puisqu’il ne s’agirait pas de violences masculines, mais d’un « drame familial ». Cet ignoble euphémisme médiatique pullule depuis trop longtemps. Dans la région lyonnaise, il y a trois ans, un homme qui ne supportait pas l’idée que sa femme le quitte lui a fracassé le crâne. Il est ensuite monté dans la chambre de ses enfants, leur a ligoté les mains et les a étouffés avec des sacs plastique avant de mettre le feu à la maison. Après enquête, Le Figaro du 28 juillet 2008 nous informe que « la piste du drame familial [est] confirmée », qu’il y avait « des tensions dans le couple » et que la femme avait été « mise en garde » par son mari : « Il n’accepterait jamais une séparation. »

par Tanxxx

En Vendée, il y a plus d’un an, un « père de famille » a défoncé le crâne de ses quatre enfants à coups de bûches avant de larder sa femme d’une douzaine de coups de couteaux et de se suicider. Le journal parle d’un « acte désespéré » de la part du père de famille respectable (un bon médecin) et titre : « La thèse du drame familial privilégiée ». En somme, buter une personne que vous n’avez pas épousée fait de vous un meurtrier. Buter celle que vous avez épousée fait de vous l’acteur d’un drame familial. Voire la victime.

Comme pour le député Jean-Marie Demange, cet homme « entier, qui supportait mal la contradiction » (Rue89, 17 novembre 2008), qui a tué sa compagne après une « violente dispute », avant de se suicider. Bilan : une minute de silence à l’Assemblée nationale, à la mémoire du député. Pour la morte, du silence aussi, mais celui de l’indifférence ; celui réservé au « dommage collatéral » de l’homme désespéré, partant avec tous ses biens : sa femme, ses enfants, son chien, sa maison. Dans la sphère dite privée, le patriarche peut jouer avec ses petits pantins, les désarticuler à sa guise, tel le gosse colérique qui préfère briser ses jouets plutôt que de les laisser derrière lui. Et autour de tout cela, un silence de mort, à peine troublé par les discours hypnotiques des médias, transformant le meurtrier en victime et les violences masculines en « drame familial ».


1 Patrizia Romito, Un Silence de mortes, Syllepse, 2006.

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1 commentaire
  • 30 novembre 2011, 13:40, par Alistair

    Dans le droit français il y a la notion de "drame passionnel", qui peut en certains cas être une circonstance atténuante. Les médias, en introduisant, le "drame familial" cherchent sans aucun doute à établir des "circonstances atténuantes". Qui n’a pas eu envie de coller une bonne torgnole à son conjoint, de le réduire au silence car voyons voir, chers lecteurs, nous sommes tous ainsi n’est-ce pas ? Il s’agit de ne pas noircir le tableau du chaos social et de ne pas établir les raisons véritables, et non plus supposées, de ces violences réitérées, qu’elles se portent, souvent sur des femmes, mais aussi sur toutes autres personnes. Si les violences faites sur les femmes ont augmentées, comme vous le dites souvent, on peut incriminer l’idéologie dominante et le peu de cas qu’on fait des femmes. Mais on peut aussi, et ce n’est pas du tout incompatible avec votre argument, incriminer la "crise", c’est à dire une méthode de gouvernement par la propagation du chaos dont les conséquences sont multiples et dont les objectifs ne sont pas difficiles à comprendre. Il y a une fascisation évidente de cette société et les violences faites aux femmes n’en sont pas la plus petite des conséquences. Ainsi qu’on perd, peu à peu, depuis une dizaine d’années, ses amis et ses soutiens les plus précieux, qu’on en voit basculer irrémédiablement vers de nouvelles formes de fascismes, séduits par les apparats trompeurs du fascisme démagogique et viril d’Alain Soral, par Marine Le Pen, aujoud’hui, par Sarkozy hier et d’autres apeurés se réfugient dans des partis en trompe l’oeil (P.S, Verts) qui, une fois encore, chaque fois que le PS accède au pouvoir, vont accentuer le dévoiement de l’esprit authentique de gauche. C’est une course folle et si l’on se raidit quelquefois, on pleure également la disparition et le délaissement violent des gens qu’on aime. On ne sait plus à quels "détails" attribuer ces tragédies et l’on en murit les raisons, seul, tous irrémédiablement condamnés à la solitude de la séparation, et on ne peut décidément les trouver que dans les drames qui frappent plus généralement cette société ; des drames organisés, justifiés, minimisés, tous soigneusement séparés et décloisonnés les uns des autres, par les commentateurs officiels, pour ne surtout jamais en évoquer les causes véritables qui tiennent toutes dans le chaos social, cet enfer d’une grande majorité humaine qui assoie et conforte la prédominance de quelques uns.