Appel à soutien : c’est la giga-méga-dèche !

Deviens notre mécène

Puisque ni Rodolphe Saadé, ni Vincent Bolloré et pas même Xavier Niel n’ont daigné racheter CQFD, notre petit canard maigrelet est forcé de rester indépendant, libre et impertinent. Mais pour continuer à exister, il a besoin de vous...
Aldo Seignourel

En cette scrofuleuse fin septembre, alors qu’on peaufine ce numéro l’œil rivé sur le téléphone du local qui ne sonne pas, on est bien obligé·es de l’admettre : Rodolphe Saadé, l’ultrariche armateur marseillais à la tête de la CMA-CGM1, n’aura finalement pas daigné passer un coup de bigot pour nous faire une offre de rachat cet été. Un camouflet. Des mois qu’on guette un petit signe, un geste, quelque chose de sa part ! Après son coup de filet sur BFM-TV et RMC en juillet, alors qu’il avait déjà gobé La Provence en 2022, on aurait pensé être les prochains sur la liste. Pour qu’enfin une rivière de flouze se déverse sur notre vénérable rafiot de la presse libre. Eh bien non. Le roi des containers nous snobe. L’ultracatho Bolloré aussi d’ailleurs. Et que dire de l’ex-petit génie du Minitel rose Xavier Niel ? Même dédain ! Il préfère remplir l’Olympia pour expliquer à la plèbe comment devenir milliardaire. Voilà qui nous met dans une périlleuse situation : forcé·es de rester indépendant·es, libres et impertinent·es. Cruelle destinée !

Le hic, c’est que notre intransigeance a un prix : on est abonné·es aux vaches maigres et aux galères financières, tant les kiosques et les lecteur·ices de papier se raréfient

Vexé·es comme des poux, on a donc décidé de s’entêter dans notre voie, celle qu’on sillonne depuis plus de 20 ans : sortir tous les mois un canard mitonné à l’huile de coude, généreux, rageur, radical, qui – en toute modestie – contient plus de vie sur une page qu’une année entière de publication du JDD (fastoche). Le hic, que tu commences à voir venir cher lecteur, chère lectrice, pour peu que tu nous fréquentes depuis quelques années, c’est que notre intransigeance a un prix : on est abonné·es aux vaches maigres et aux galères financières, tant les kiosques et les lecteur·ices de papier se raréfient.

Et ce n’est pas comme si on faisait des folies : on salarie quelques postes-clés du journal, mais la grande majorité du travail reste bénévole. Ces rédactrices intrépides, illustrateurs virtuoses, relectrices minutieuses, brévistes aiguisés ou chroniqueuses folles qu’on ne saura jamais assez remercier. On ne peut pas dire non plus qu’on s’éparpille en frais de fonctionnement : point d’enveloppe parlementaire dépensée en gardiennage de toutous à bourgeoise2 ! Hormis quelques boutanches pour le bouclage, la vie au local est une ascèse d’amour de l’indépendance et d’eau fraîche ! On grignote parfois quelques Tucs défraîchis et laitues tombées du camion pour tromper la faim, sans exagération aucune. C’est Dickens rue Consolat, Zola en zone de presse libre : J’accuse ! Vincent Bolloré d’affamer ces pauvres hères de la presse indé.

Bon, on en rajoute un peu. Mais voilà, on n’est quand même pas loin du dépôt de bilan. Et alors qu’un peu partout les canards tels que le nôtre tirent la langue (rien qu’à Marseille, plusieurs titres emblématiques tels que le Ravi, Zibeline et Ventilo ont coulé cette année) et que plane la menace RN, beaucoup de journaux amis ont lancé des campagnes de soutien. En face chez les bruns, ça s’organise en épousant l’air du temps et sa fondamentale médiocrité. Alors qu’on n’utiliserait pas le torchon Valeurs actuelles ou le mag Furia pour emballer notre poisson pas frais, ils semblent se croire puissants, victorieux sur le plan idéologique. Patience, le vent tournera.

On compte sur vous ! Et on vous rassure : si ce con de Saadé vient toquer à notre porte, il sera couvert de goudron et de plumes avant d’être jeté hors du local sous nos imprécations fleuries. Vivre libre ou mourir, quoi (mais avec une préférence pour vivre libre)…

La rédac’ de CQFD

Ce que tu peux faire pour nous aider 

  • T’abonner
  • Abonner tes proches en cadeau
  • Relayer cet appel
  • Démarcher les librairies et bibliothèques autour de toi qui n’auraient pas CQFD dans leurs stocks
  • Nous contacter pour qu’on t’envoie des exemplaires à vendre en manif’ sur les marchés ou devant les portes de ton comico
  • Faire de la pub pour nous sur les fucking réseaux sociaux
  • Faire un don
  • Organiser des soirées de soutien (auxquelles on sera ravi·es de participer !)
  • Prier Sainte Rita, patronne des causes désespérées
  • Parler de notre canard à toutes les personnes que tu croises, au risque de passer pour un monomaniaque

Sales États de la presse

Encore un grand chantier de type embobinage macroniste : après quasi un an de labeur, les États généraux de l’information (EGI) viennent de pondre leur rapport. 351 pages, « 59 propositions pour libérer l’info » dont quinze (seulement !) retenues par le comité de pilotage. Sans grande surprise, c’est à côté de la plaque, quand ce n’est pas carrément du foutage de gueule. Mise en place de très décoratifs comités d’éthique chargés de veiller à la déontologie dans les médias d’information3 (sans pouvoir contraignant sur l’actionnaire, on croit pas fort à l’efficacité du dispositif…). Vague lutte contre la concentration des médias, avec un seuil max (mais non défini !) d’audience qu’un groupe multimédia ne pourrait pas dépasser.

Mais surtout, et il fallait s’y attendre, ce sont les vieilles demandes des grands patrons de presse qui ont été entendues : réorientation des dépenses publicitaires de l’État et des annonceurs vers la presse de l’information, instauration d’une « contribution obligatoire » à l’État des plateformes numériques liées à leurs revenus publicitaires.

Et évidemment, rien sur le service public de l’information menacé dans son financement et son organisation ; rien sur la redistribution des aides financières de l’État et des collectivités territoriales à la presse hors grands groupes ; rien sur les situations de monopole de la presse régionale qui menacent l’information locale ; rien sur la transparence des comptes des actionnaires des entreprises de presse. Rien non plus sur la loi sur le secret des affaires, utilisée pour poursuivre les journalistes devant des tribunaux de commerce. Et pour finir, les EGI ont brillamment ignoré l’éléphant au milieu du couloir : la précarité croissante et les conditions de travail dégradées des journalistes. Super, on va pouvoir continuer de crever la gueule ouverte !


1 La Compagnie maritime d’affrètement - Compagnie générale maritime est la troisième entreprise mondiale de transport maritime en conteneurs et la première française !

2 Dans un article publié le 10 septembre dernier, Mediapart raconte comment Christine Engrand, députée RN de la 6e circonscription du Pas-de-Calais, aurait allègrement pioché dans son enveloppe de frais de mandat pour faire garder Chouchou et Smoothie, respectivement caniche et labrador, pendant ses absences. Ouaf de désapprobation de la part de la rédaction !

3 Aujourd’hui, ils existent seulement dans l’audiovisuel, avec un succès très relatif.

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CQFD n°234 (octobre 2024)

Dans ce n°234 d’octobre 2024, on revient avec Valérie Rey-Robert sur ce qu’est la culture du viol dans un dossier de quatre pages, avec en toile de fond l’affaire des viols de Mazan. On aborde aussi le culte du patriarche et les violences sexistes dans le cinéma d’auteur. Hors-dossier, Vincent Tiberj déconstruit le mythe de la droitisation de la France. On se penche sur les centres d’accueil pour demandeurs d’asile en Italie, avant de revenir sur la grève victorieuse des femmes de chambres d’un hôtel de luxe à Marseille. Enfin, on sollicite votre soutien pour sortir CQFD de la dèche !

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